Plume et parchemin

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10 - Asher et Jean-Claude : le cadeau de Belle Morte

Belle Morte s’était finalement écartée et Jason et Jean-Claude s’étaient rapprochés.

« Tu n’as pas faim ? » avait demandé Jason en le regardant avec sa fameuse petite grimace.

« Es-tu si impatient que je te morde, mon loup ? » la voix de Jean-Claude était aussi caressante que du velours.

« Pour toi, toujours » répondit Jason avec un grand sourire le faisant paraître encore plus jeune.

C’était un jeu entre eux, mais Belle Morte ne le savait pas et sûrement on irait lui rapporter que la relation entre le vampire et sa pomme de sang était très excitante.

Ils étaient seulement heureux de revenir à un mode plus normal, la tension avait été intense tant que Belle Morte était près d’eux.

La beauté était une des spécialités de la cour de Belle Morte et le reflet de ses goûts et de sa personnalité : ils traversèrent un jardin d’hiver où les fleurs scintillaient comme des fantômes, uniquement sous le clair de lune. Leur parfum exotique était encore plus ensorcelant que leurs couleurs chatoyantes. Des fleurs au parfum d’amande, mais toxiques naturellement et une variété de roses sauvages particulièrement odorantes ; Belle Morte faisait distiller son propre parfum à partir de ces fleurs.

« A quoi Belle Morte faisait-elle allusion quand elle te parlait de son cadeau » ? interrogea Jason alors qu’ils traversaient de grandes pièces. Jason paraissait un peu choqué par l’attitude des vampires ici, comparée à ceux qu’ils connaissaient à St Louis et en lui-même, il devait apprécier la manière « soft » dont leur Maître de la ville gérait ses affaires. Le loup-garou s’arrêta soudainement devant une statue : une sculpture de marbre représentant Apollon, mêlé de manière plutôt incestueuse à sa sœur Artémis. Le sculpteur, un mortel sans doute disparu depuis des siècles, avait mis en relief avec un contraste époustouflant le soleil et la lune, la nuit et le jour, le mâle et la femelle, le séducteur et la chasseresse. C’était un pur chef-d’œuvre et Jean-Claude faillit éclater de rire devant le regard ahuri de Jason.

Il avait oublié que sa pomme de sang était Américain en tous points et n’avait pas été formé pendant des siècles à admirer les trésors de la vieille Europe. Les vampires avaient longtemps été mélangés avec l’aristocratie et c’étaient les humains qui avaient admiré les cours brillantes vampiriques plutôt que l’inverse, surtout en France.

« Jean-Claude ? tu ne m’as pas répondu »  Jason allait d’une statue à une autre ; amusé, le vampire sourit de nouveau. Après tout l’impatience n’était pas une qualité qu’on trouvait facilement chez les vampires qui avaient devant eux … l’éternité ! Et puis, c’était bien sûr une des caractéristiques d’Anita que cette impatience permanente qui le perturbait et lui plaisait en même temps.

« Je ne sais pas, mon loup » dit-il finalement et il laissa transparaître une trace d’appréhension parce qu’il avait confiance en Jason, « les cadeaux de Belle, tu peux te l’imaginer, peuvent être emplis de malédictions, tout dépend à qui elle les destine et de son humeur ».

« Tu penses, qu’il y a quelque chose en relation avec Asher de nouveau, comme le portrait que Musette a apporté quand elle est venue avec le conseil ? »

Jason avait été particulièrement attentif à cet incident mais Jean-Claude ne tenait pas particulièrement à s’en souvenir car c’était à partir de ce moment que lui et Asher étaient en froid.

« J’en doute fort, Jason, en général Belle est beaucoup plus inventive dans le choix de ses cadeaux. J’en ai déjà reçu beaucoup d’elle auparavant et je n’ai jamais trouve quelque chose à laquelle j’aurais pu m’attendre ».

« Elle a pourtant mentionné le nom d’Asher ? avança Jason perplexe, et les vampires qui nous ont conduit ici l’ont également nommé. Ils ne l’ont pas oublié »

Jean-Claude fronça les sourcils, son anxiété grandissante : « tu as remarqué toi aussi ? »

« Toi et Asher étiez ses favoris, mais je suis certain que d’autres auraient bien aimé bénéficier de vos faveurs, ai-je raison ? » le ton de Jason était plutôt taquin, mais son regard était très sérieux et signifiait tout autre chose. « Je veux dire, je n’ai jamais vu de gens aussi beau qu’à cette cour, mais des mecs comme toi et Asher, vous êtes franchement un cran au-dessus de n’importe qui ».

« Merci pour le compliment », répliqua Jean-Claude avec une petite courbette, mais sérieusement  les propos de Jason tournaient dans son esprit. Il avança un peu plus vite, Jason le suivant, pour aller dans une pièce un peu plus tranquille et avoir un peu plus d’intimité pour en discuter.

« D’abord Asher a laissé la cour, il était fou furieux et voulait te tuer, mais ce sont les nouvelles récentes qui ont du leur montrer que les choses ont bien changé. Je suis sûr qu’ils sont curieux de savoir comment fonctionne le fameux couple s’il s’est reformé ».

« Nous sommes des vampires, Jason, pas des acteurs d’Hollywood ! »

« Oui, je sais, mais vous deux vous êtes encore plus attirants, tu ne penses pas que ce fameux cadeau résulte d’une sorte de jalousie ? Violeta, elle aimait Asher avant, non ? »

« Oui… mais nous ne saurons rien au sujet du cadeau tant que Belle ne nous l’aura pas présenté ».

« Jean-Claude.. j’ai … , Jason hésita, jetant un regard autour de lui comme s’il cherchait des oreilles indiscrètes, mais le vampire lui fit signe de continuer,… j’ai senti un parfum, une odeur, enfin quelque chose, je ne sais pas quoi. J’allais t’en parler, mais Belle était avec nous et ça aurait pu déjouer son projet, non ? »

Jason était très sérieux et du coup Jean-Claude regrettait son humour et ses traits d’esprits.

Finalement, ils étaient arrivés dans le couloir et devant la suite qui leur était attribuée. Il y avait quelque chose là-dedans, comme Jason l’avait signalé, tous les deux le sentaient. Jean-Claude ouvrit la porte et pénétra prudemment,ses yeux s’adaptant très vite à l’obscurité qui n’était pas totale, d’ailleurs, une bougie étant allumée sur la table.

Immédiatement il sentit la présence d’un autre vampire dans la pièce ; pas un maître puissant mais pas faible non plus.

Un long grognement provenant de Jason retentit derrière lui, les sens aiguisés du loup-garou avaient capté la présence de quelque chose de vivant –ou de non-vivant.

C’est quand elle se retourna, la lumière de la bougie jouant sur la courbe de son cou fragile, qu’il fut frappé aussi fortement qu’un coup en pleine poitrine. Son visage, ses yeux lumineux … elle était vêtue d’une robe à la française datant d’avant la révolution et c’est comme si elle était descendue du tableau, le dernier tableau la représentant, celui qu’Anita n’avait jamais vu car il avait été brûlé.

« Julianna ? » 

Jean-Claude avança dans la pièce, toute son attention fixée sur la silhouette qu’il apercevait devant lui. Impossible !  elle portait la même robe ample au corsage très ajusté de soie couleur or bordé de dentelle, le même ovale délicat du visage, la bouche petite, les boucles sombres…Mon Dieu, c’était Julianna même si tout en lui hurlait que c’était impossible.

 

Malgré le bref appel de Jason pour l’avertir, hypnotisé, Jean-Claude s’approcha de la jeune femme, sa main tremblante attrapa un boucle des cheveux noirs.

« Julianna ? » sa voix était hésitante, dans l’attente d’une réponse.

Subitement la jeune femme se mit à genoux devant lui, prenant ses mains dans les siennes, une lueur effrayée dans le regard.

« Non, je ne suis pas Julianna ! je ne pourrais jamais l’être ! »

La phrase, presque criée, fut suffisante pour rendre à Jean-Claude son bon sens. Après cet éclat, Jason s’était rapproché hâtivement et avait fermé la porte, maintenant il se tenait les bras croisés près d’eux.

Jean-Claude semblait manifestement très déçu après ce déni… cette voix riche, voilée, comme celle de Julianna.

« Expliquez-vous alors », dit-il s’efforçant de garder un ton détaché et froid.

« Je suis le cadeau de Belle Morte ! vous comprenez sûrement la nature de ses cadeaux.. vous la connaissez depuis plus longtemps que moi !  elle voulait que je vous fasse croire que j’étais Julianna, votre amour revenu, elle voulait vous duper, mais je savais que ce serait une illusion que ne pourrait pas durer longtemps, c’est pourquoi je vous le dis, non je ne suis pas Julianna ».

« Vous dîtes que vous êtes une créature de Belle Morte ? » répondit Jean-Claude d’un ton mordant, ses mains serrant les doigts de la jeune femme presque à lui écraser. Il relâcha se prise quand elle étouffa un cri de douleur – « Elle vous a faite ? »

« Oui ! vous pouvez lire dans mes yeux, que je dis la vérité »

Jean-Claude l’avait attrapée par les poignets cette fois et elle tremblait, tout son aplomb disparaissant devant la colère du vampire.

« S’il vous plaît, Jean-Claude, je n’ai jamais voulu participer à ça ! »

« Alors, dites-moi qui vous êtes ! » Il arrivait à réfléchir de nouveau, le choc étant passé et en effet en la dévisageant, il voyait de légères différences, comparées aux souvenirs qu’il avait enfouis au fond de sa mémoire depuis des années. Elle pouvait passer à peu près pour une jumelle de Julianna, mais même entre jumelles, quelqu’un qui les connaissait bien, pouvait les différencier.

Sa voix trembla et elle semblait si fragile agenouillée dans ses jupes et jupons de soie, son visage levé vers le vampire. Ses yeux étaient emplis de larmes mais Jean-Claude savait que les larmes auraient dû être teintées de rouge. Oh non elle n’était pas Julianna et était-elle vampire ? Julianna était morte depuis deux siècles et n’avait jamais été une vampire.

C’était dur de la regarder et de voir à quel point elle semblait terrifiée.

« Je suis née il y a presque trois siècles et toute jeune mon visage intrigua Belle, elle voulait une autre Julianna à torturer, vous voyez ? Elle n’avait jamais pu toucher la véritable Julianna  parce qu’elle était une servante humaine et que le Conseil les protège. Alors elle reporta toutes ses années de haine sur moi ! »

« Je vois, dit Jean-Claude d’une voix tendue, dure... mais la ressemblance ? »

« Pure chance… hasarda-t-elle d’une voix si basse qu’elle aurait été inaudible pour une oreille humaine.

« Répondez-moi ! » ses mains agrippèrent ses poignets et les serrèrent, la faisant s’écrier de douleur et essayer de se libérer. Les larmes débordèrent de ses yeux noirs et roulèrent sur ses joues, tels des petits bijoux, dans la pièce sombre on ne voyait pas vraiment leur teinte rougeâtre.

« Julianna était la sœur de ma mère, hoqueta-t-elle ! ma mère aimait beaucoup sa sœur malgré les accusations portées contre elle et bien qu’elle se soit enfuie loin de la famille. Sa sœur, Julianna, vous comprenez, votre Julianna ! »

« Alors Belle vous a trouvée et vous a formée comme une arme à utiliser contre moi, contre Asher ». Jean-Claude la relâcha d’un mouvement brusque qui l’a fit choir sur le sol où elle resta sans bouger au milieu des riches étoffes couleur d’or.

Les larmes avaient disparu et elle paraissait plus provocante.

« Ce n’était pas mon choix, dit-elle d’une voix dure, pensez-vous que je voulais être une créature condamnée par l’église ? vivre sachant que c’était anti-nature, que j’aurai à me nourrir du sang des autres ! Mon Dieu, j’aurais préféré mourir et j’ai vraiment souhaité la mort, des centaines de fois. Mais ELLE ne le permettra jamais ! sa voix était très amère.

Jason essaya de l’aider à se relever mais elle refusa sa main.

« Comment vous appelez-vous alors puisque vous n’êtes pas Julianna ? »

« Mon père avait choisi mon nom, Juliette »

C’était vraiment trop proche du nom de sa bien-aimée pour lui plaire et Jean-Claude se souvenait, avec un flash de haine, que Violeta persistait à nommer son amante de ce nom, Juliette, parce que c’était un nom marqué par la tragédie. Il hocha la tête, cependant, en acceptant. Il lui était difficile de la regarder, aussi quand il l’aida à se relever, il évita son regard.

Jason, les regardait tous deux, déchiré entre sa sympathie pour la jeune vampire et son attachement à Jean-Claude.

Malgré sa réaction première qui avait été de blâmer la jeune fille, Jean-Claude savait bien que Juliette était à la merci de Belle comme lui l’avait été auparavant. Ce n’était pas de sa faute si on l’avait utilisée pour se moquer de lui, pour jouer avec ses sentiments les plus profonds, et elle avait risqué la fureur de Belle en révélant d’emblée qui elle était, en ne respectant pas les règles. Elle était courageuse, malgré cet aspect si fragile, assez brave pour s’être présentée directement à Jean-Claude sans artifice ou faux semblant, bien qu’elle avait dû avoir peur qu’il la frappe de colère. Après tout, elle était « le cadeau » de Belle et  Jean-Claude aurait pu la tuer sans répercussions. Tout le monde a droit de casser son cadeau s’il ne vous plaît pas.

Julianna aussi était courageuse aussi. Le cœur de Jean-Claude se serra alors qu’il jetait un œil à la jeune vampire qui ressemblait tellement au fantôme de son passé… elle avait même du sang de Julianna dans ses veines, par sa mère. La ressemblance était d’une étrangeté inquiétante et Jean-Claude se demandait si Belle, dont il connaissait les grands pouvoirs, n’avait pas influencé cette apparence en la transformant. Peut-être avait-elle renforcé cette apparence, qu’elle avait remarquée pour en faire une copie de Julianna. Sa colère grandit, comme une marée puissante, mais elle n’était pas dirigée vers Juliette. Belle Morte avait manipulé tant de vies pour son propre plaisir, mais jamais il n’aurait pu imaginer qu’elle aurait été jusqu’à faire quelque chose de cette sorte. Il n’avait pas compris pourquoi elle semblait si sure qu’il allait apprécier son  « cadeau » d’une vampire immortelle pour remplacer l’humaine aimée et disparue. Et il comprenait pourquoi elle avait demandé au sujet d’Asher – elle devait saliver en secret en imaginant Asher se retrouvant face à face avec Julianna et penser qu’elle était devenue vampire ou qu’il ait imaginé qu’elle avait survécu, pendant toutes ces années (ce qu’avait presque cru Jean-Claude au tout début) et qu’elle réapparaissait pour retrouver son meurtrier plutôt que son sauveur.

Jason lançait des regards compatissants à Jean-Claude mais le loup-garou était aussi concerné par Juliette.

« Je suis autant victime que vous des machinations de Belle, finit-elle par dire sans croiser le regard de Jean-Claude. Elle savait parfaitement que mon existence humaine m’avait été dérobée, elle prenait plaisir à m’infliger de la douleur, ou de me donner aux autres vampires qui avaient détesté Julianna. Saviez-vous que vous et Asher aviez des adorateurs qui étaient jaloux de votre amante humaine qui vous avait volés à leurs désirs ? »

« Ils vous ont torturée parce qu’ils ne pouvaient pas le faire à Julianna » murmura-t-il, comprenant ce qu’elle voulait dire. Pas besoin d’une grande imagination pour savoir que beaucoup de vampires pouvaient être très inventifs dans leur manière de tourmenter quelqu’un qu’ils haïssaient. Il avait enduré ces sortes de tortures pendant ses années de servitude.

« Oui, avoua-t-elle dans une sorte de sanglot, parce que pour eux je suis Julianna, à tous égards. Une femme que je n’ai jamais rencontrée et dont je sais assez peu, sauf que ma mère l’aimait beaucoup et qu’elle avait deux amants vampires qui étaient célèbres. Alors tout ce que j’ai enduré c’était pour une personne que je ne connaissais pas, que je ne rencontrerai jamais et pour quelqu’un que je viens de rencontrer ce soir ».

Il n’y avait pas grand-chose à dire, mais Jean-Claude au fond de lui se détestait car il avait envie de la prendre dans ses bras, de calmer ses pleurs, il souffrait parce qu’elle souffrait, mais c’était plus de l’empathie dans cet imbroglio où il était piégé que d’imaginer qu’elle était une autre parce qu’elle ne l’était pas.

Elle lut cette certitude dans les yeux du vampire et étouffa un petit cri de frustration.

« Vous n’êtes pas Julianna » dit-il simplement tout en désirant tout au fond de lui qu’elle aurait pu l’être.

 

********************

 

« Emmenez-moi avec vous, quand vous repartirez à St Louis, prenez-moi avec vous. Je sais que Belle Morte m’a donnée comme cadeau, une horrible parodie de cadeau, mais je vous en supplie ne me renvoyez pas à elle, je préférerais mourir » Juliette suppliait Jean-Claude.

Jean-Claude se raidit en entendant ces mots, ému par ses supplications, mais peu disposé à ramener ce sosie de Julianna au Cirque des Damnés, ou de la voir quand il s’éveillerait de son sommeil.

Mais si ça lui faisait tellement mal, sachant que Juliette n’avait pas de lien avec leur Julianna, alors que serait-ce quand Asher la découvrirait ! Même pour aider Juliette, il ne pouvait pas la ramener.

« Je ne peux pas vous garder avec moi, vous comprenez cela ? »

« Oui, mais … n’importe où, s’il vous plaît » Elle avait des larmes plein les yeux et l’image de Julianna pleurant, suppliant se superposa et il se sentit gelé.

« J’ai des contacts dans d’autres villes aux Etats-Unis. Je vais m’assurer que vous rencontrerez quelque autre Maître de la Ville, si c’est possible.

Elle se traîna à ses pieds et il fit un pas en arrière, ses émotions chancelant dangereusement, mais quand elle leva son visage barbouillé de larmes, elle était très sérieuse : « donnez-moi votre parole que vous pourrez me protéger ».

Il hésita, mais il y avait autre chose sur son visage, elle voulait la protection pour elle-même bien sûr, mais était-elle en train de trahir Belle Morte ? Jean-Claude sentait qu’elle en savait plus que ce qu’elle avait dit,  il ne prit pas sa demande à la légère : « Je vous jure, Juliette, que je ferai de mon mieux pour vous protéger ».

De nouveau des larmes ruisselèrent sur ses joues, et avant même de l’avoir prévu, il s’était penché et gentiment les essuya de sa main. « Jean-Claude… vous comprenez, je pourrais être tuée.. pour vous dire ceci… »

« Mais quoi donc, Juliette ? » ce nom lui semblait étrange à prononcer, mais il mit ses émotions de côté en faveur de la vigilance. Il y avait quelque chose d’étrange ici, ou bien Belle Morte n’aurait pas choisi ce moment pour révéler une arme qu’elle avait préparée depuis presque 3 siècles contre lui et Asher.

« Pendant que vous êtes ici, Belle a envoyé le vampire Victor et son amante Lucine, dans votre ville. Elle a planifié qu’ils s’emparent de votre second, prennent la ville et tuent votre servante humaine si bien que vous serez affaibli, ou peut-être mort. Elle a peur de vous, Jean-Claude, pour ce que vous pourrez devenir.

Il l’attrapa par les épaules et il la leva alors que lui-même se laissait couler sur le sol, si bien qu’ils étaient exactement au même niveau « Juliette, que venez-vous de dire ! »

« Jean-Claude, vous devez retourner à St Louis, maintenant, vous comprenez ? elle se sert de cette opportunité pour attaquer. Je n’étais qu’une distraction parce qu’elle voulait vous voir souffrir avant de vous voir mourir. Votre servante humaine, votre amante, ils doivent déjà l’avoir capturée. »

 

Jean-Claude entra dans une profonde fureur à cette révélation ; il savait que des milliers de kilomètres séparaient la France de St Louis. Même en se dépêchant de partir, il faudrait des heures avant d’arriver, et rien, non rien ne pourrait changer ce qui arrivait. Il voulait surtout s’assurer que ce n’était pas déjà trop tard… alors il attrapa le téléphone, mais une main prit son poignet avant qu’il puisse décrocher. Il suivit le poignet gracile jusqu’au visage de Juliette ; il la regarda fixement, même s’il voulait détourner son regard.

« Tu veux toujours servir ta maîtresse ? » dit-il d’une voix doucereuse, mais on sentait une menace sous ses paroles.

Elle pâlit, mais le regarda bravement « je ne fais cela que pour moi-même ».

« Alors n’essaie pas de m’arrêter. Je t’ai fait la promesse de te mettre en sûreté, du mieux que je pourrai ».

Juliette hocha la tête, mais sa main retenait toujours son bras. Même si elle était assez forte, Jean-Claude aurait pu se libérer facilement, mais il ne le fit pas.

« Jean-Claude, commença-t-elle, voyant que ses pensées étaient occupées ailleurs.

« Vous ne pouvez  pas y aller maintenant, à moins que vous souhaitiez  que le conseil se mette en fureur parce que vous avez refusé son offre d’hospitalité »

Jusqu’à maintenant, il n’avait pas réussi à rassembler ses pensées, ce qui ne lui arrivait presque jamais. Il s’était entraîné à réfléchir, étudier et anticiper, mais là tous son bon sens avait éclaté parce que tout ce qu’il aimait été menacé, en danger et lui était piégé ici, en attendant de l’abattre lui-même ça ne faisait aucun doute.

« Je suis dans mon bon droit de vouloir défendre mon territoire »,  se défendit-il d’une voix enflammée.

Jason le regarda avec surprise, le loup-garou avait rarement vu Jean-Claude montrer une perte de contrôle, même dans les situations dangereuses où Anita l’avait souvent entraîné. Juliette capta l’expression de Jason, et elle continua même si elle craignait la fureur du vampire, beaucoup plus fort qu’elle.

« Ils ne le prendront pas de cette façon, répondit-elle à l’affirmation de Jean-Claude, même si Belle Morte est impliquée dans cette intrigue, elle ne laissera aucune trace de son implication dans cette affaire, et le reste du Conseil n’en sera pas plus avancé. Pour prouver le contraire ça demandera beaucoup plus que l’affirmation d’une seule vampire insignifiante ; je ne suis rien ici, tant que Belle Morte siège au Conseil. Vous pouvez risquer la colère des autres, et peut-être celle de Belle Morte elle-même ».

« Tu suggères que je laisse ma servante humaine en danger de mort, et Asher avec elle ? et le résultat sera le même, je pourrai mourir aussi avec eux » et Richard aussi, se souvint-il, puisque l’Ulfric était lié au triumvirat.

Juliette ouvrit la bouche pour répondre, mais le son qu’on entendit provenait de Jason. Jean-Claude avait complètement oublié la présence de sa pomme de sang.

« Qui que ce soit que ce maître vampire, je suis sûr qu’il ne tuera pas Anita tout de suite, pas avant d’avoir pu te montrer qu’ils vous ont battu, Jean-Claude. Je ne sais pas comment fonctionnent les vampires, mais dans la meute, un leader qui a gagné par surprise trouvera les autres très réticents pour le suivre. L’attaque doit être faite devant tous ! »

« C’est la même chose pour les vampires, concéda Jean-Claude, mais le risque est trop grand de leur laisser cette chance ».

« Alors faites confiance à Belle Morte, si ce n’est  à rien d’autre, car elle ne s’alliera pas avec quelqu’un qui n’est pas adepte de cette manière d’agir », affirma Juliette.

« Et s’il les tue ? »

« Ils seront morts si le Conseil s’offense à cause de vous », Juliette plaidait sa cause, et Jean-Claude regardait ailleurs, incapable de supporter ce visage si semblable à celui de Julianna. « Vous êtes partis, vous les avez laissé depuis longtemps, vous avez gagné du pouvoir, vous êtes devenus votre propre sourdre de sans, et vous réfléchissez plus comme un Américain, maintenant. Vous avez sans doute oublié combien ils sont impitoyables, comment ils  peuvent tuer en toute impunité, spécialement pour quelqu’un qui a son siège au Conseil. Sans connexion directe, votre mort ne sera même pas vengée, elle passera uniquement comme un combat pour être Maître de la Ville. Belle a tout planifié, et elle ne dira pas une parole en votre faveur comme elle l’a fait dans le passé… surtout si son but est de vous détruire, vous »

Elle était de nouveau au bord des larmes après ce débat passionné, mais Jean-Claude réalisa qu’elle avait raison dans ses conclusions, en quelque sorte. Ses paroles étaient vraies, mais il hésitait toujours. Et comme si une autre personne que lui parlait, il s’entendit dire « alors, on attend ? » ça manquait de fermeté, comme s’il se posait la question, mais Juliette hocha la tête pour acquiescer.

Jean-Claude ferma les yeux, battu et soupira, « Juste encore quelques heures…. » Le délai ne serait plus très long maintenant, en comparaison du temps qu’il faudrait même avec le vol le plus rapide pour arriver à St Louis, et ça pouvait faire la différence pour tout. Si seulement le Dieu d’Anita pensait à elle, il lui adresserait une prière pour sa vie.

En regardant le visage de Juliette un moment plus tard, il ne put s’empêcher de penser à Julianna et se demanda si par hasard Asher avait eu raison dans ses accusations contre lui. Même maintenant, il hésitait… à le sauver ! Est-ce qu’il utilisait les arguments de Juliette pour justifier son hésitation, se donner un délai ? bien qu’il soit avec le Conseil, c’étaient Anita et Asher qui étaient en danger immédiat. Les accusations d’Asher au sujet de Julianna restaient dans sa mémoire, l’anniversaire de sa mort datait de quelques jours et ses souvenirs étaient encore à vifs.

Il avait laissé Asher sans parler, avec un silence froid, qu’il faisait passer pour de l’indifférence. Le reverrait-il ? et Anita pourrait-elle aussi mourir ? continuerait-il à vivre sa propre existence, morne, lugubre ? Ahser avait survécu à la mort de sa servante humaine. Jean-Claude l’avait forcé à vivre, même s’il n’avait récolté que de la haine en retour pendant de longs siècles.

Le regard de Juliette cherchait le sien, essayant de lui faire comprendre qu’il avait fait le bon choix, mais Jean-Claude se demandait s’ils souffraient là-bas pendant qu’il était ici, bloqué, attendant les plaisirs vicieux du Conseil. C’était comme si le passé se réveillait de manière cruelle, quand il avait été appelé pour visiter sa mère sur le point de mourir et que ses amants étaient en danger. Serait-il encore forcé à faire le même choix ? pourtant cela avait conduit à la mort de celle qu’il aimait et des blessures permanentes pour l’autre.

Il ne restait que quelques minutes avant l’aube… et quand la nuit reviendrait, il pourrait laisser le Conseil, mais Jean-Claude avait l’impression, une impression glaciale, que ce serait trop tard.

 

 

 



18/05/2012
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