Plume et parchemin

Plume et parchemin

9 - Asher et Jean-Claude : accueil de Belle-Morte

Jean-Claude descendit de la limousine, sachant qu’il allait être en présence du Conseil très prochainement et rencontrer Belle Morte et sa cour. Pour cacher son émotion, il avait de nouveau affiché ce masque vide sur son visage ; le masque qu’il avait affiché à la cour, l’expression impossible à déchiffrer, qu’utilisaient tous les aristocrates des cours européennes et dans les cours sombres vampiriques également, et on peut dire que c’étaient ces derniers qui y réussissaient le mieux. La cour de Belle n’était pas loin de Paris, dans quelque château de la région.

Violeta se pressa contre lui et il lui offrit son bras par politesse, mais son attention n’était pas concentrée sur elle. Elle avait essayé d’engager la conversation et d’autres choses inoffensives, mais se souvenant de ses manigances auparavant dans la soirée, Jean-Claude n’avait pas voulu être distrait et ses pensées étaient uniquement tournées vers sa rencontre avec le Conseil. Tous ses talents acquis avec tant de peine, seraient utiles cette nuit. Il n’avait pas de temps à perdre avec cette Violeta.

Jason et les autres étaient arrivés séparément, il avait dû négocier durement pour les faire accepter. Après tout, Belle souhaitait garder secret le lieu exact où aurait lieu la réunion, quoique ce secret ne s’appliquait pas à Jean-Claude naturellement. Ce serait un faux pas inadmissible de lui demander d’arriver les yeux bandés par exemple ou avec d’autres précautions prises pour ses compagnons.

« Sois calme, sois tranquille et n’attire pas l’attention sur toi » se répétait-il constamment. Ce n’était pas un conseil extrêmement sophistiqué, mais facilement applicable. On ne pouvait pas préparer grand-chose d’autre pour cette rencontre.

Maintenant que Violeta le conduisait dans la fosse aux lions, il répartit rapidement son entourage. Il n’avait jamais été très proche de Meng Die ; elle l’avait supplié il y a longtemps et il avait accepté de la transformer, admirant sa persévérance : éternelle jeunesse, immortalité, cette association attirait autant les personnes du côté asiatique que du côté de l’occident. Apparemment, la mort n’était pas très prisée, nulle part. Il était heureux qu’elle soit à côté de lui en ce moment. Meng Die avait un esprit très pratique et une rencontre au Conseil, dans la mesure où on en ressortait vivant et relativement peu blessé, pouvait être un pas en avant dans ses propres ambitions.

Mais au dessus de tout, Jean-Claude savait et n’en doutait pas, qu’elle était loyale. Elle avait toujours été distante avec une attitude réservée mais dans le monde vampirique des alliances, Jean-Claude plaçait sa loyauté  très haut. C’était une grande qualité pour un vampire. Meng Die ne l’aimait pas particulièrement, mais il n’y avait rien de personnel, et l’affection n’était pas essentielle pour la loyauté. Il l’avait transformée selon sa propre requête et elle n’avait jamais essayé de se retourner contre lui, alors que nombreux étaient ceux qui l’avaient fait contre celui qui  les avait créés. Peut-être comme lui l’avait fait contre Belle. Il savait bien que la loyauté de Meng Die ne découlait d’aucune empathie pour lui, mais c’était aussi bien comme ça. Dans le jeu des rois, des trônes, il y avait très peu d’alliances permanentes, il n’y avait que des intérêts permanents. Meng Die était intelligente et elle savait que Jean-Claude, en tant que son propre sourdre de sang, bénéficiait d’une bonne position.

Jason et Faust se présentèrent tous les deux de front et Jean-Claude adressa un sourire à Jason. Le loup-garou savait que ce voyage ne serait pas de tout repos pour lui mais il en acceptait l’importance et son rôle. Il y avait bien d’autres vampires plus puissants que Faust également, mais Jean-Claude n’avait pas voulu apporter ses nouveaux vampires avec lui. La plupart des vampires venant de Londres étaient liés avec Belle Morte et Faust était fonctionnel, avait un sens pratique et était loyal. Un grand nombre de vampires de Londres avaient choisi de trouver refuge chez lui plutôt que chez Belle, ce qui n’ avait pas plu du tout à cette dernière, et il valait mieux pas ne pas le lui rappeler. Jouer avec la puissance n’était pas le but du jeu cette nuit, à moins qu’il ait compris tout de travers, mais Jean-Claude n’en avait pas l’habitude.

Il ouvrit le lien avec ses loups, légèrement, sentant la chaleur familière de la meute se déverser sur lui, sur Jason, leur infusant à la fois de la puissance et une énergie brute. Il se devait d’apparaître fort et cette possibilité d’appeler ses loups à une si grande distance était un avantage dont il pouvait faire étalage car c’était presque un pouvoir caché.  Il connaissait Belle depuis si longtemps ! Cependant, il n’était pas assez naïf pour penser qu’il la connaissait parfaitement surtout dans ses aspects les plus terribles. Au contraire, posséder une arme secrète était crucial, quelqu’un d’autre que Belle n’aurait pas garder un siège au Conseil pendant si longtemps et vaincu tant d’autres qui avaient eu l’air aussi puissants ou plus. Avec Anita, ils avaient découvert une forme de puissance, leur capacité à envahir l’esprit des autres et insidieusement de les plier,  sans qu’ils s’en rendent compte, à leur volonté. C’était dû à ses talents de nécromancienne et il n’y avait aucun moyen de dire quels autres talents elle pouvait dissimuler.

Comme Violeta, Belle Morte l’embrassa pour le saluer, laissant intentionnellement glisser l’ardeur dans la caresse de ses lèvres sur sa joue. Il ne savait pas s’il devait s’en faire une alliée ou une ennemie ce soir, alors il préféra répondre avec un léger sourire à son accueil.

« Jean-Claude, Jean-Claude, murmura-t-elle avec un accent de désappointement moqueur, arborant le sourire d’un chat qui lècherait  la crème sur ses moustaches, est-ce maintenant que tu veux enfin mettre un terme à notre longue séparation ?

Ses lèvres étaient cramoisies de cette sorte de rouge que Jean-Claude connaissait bien, parce qu’elle avait mélangé du sang aux pigments. Elle l’embrassa alors directement sur les lèvres, mélangeant la saveur de leurs langues, ce qui les reporta des années et des années en arrière. L’ardeur brûla entre eux alors qu’elle se reculait, elle le regarda alors avec une expression à la fois de fierté et de possession.

Ce n’était pas le genre de regard qu’elle aurait donné à quelqu’un d’égal, un autre sourdre de sang, mais Jean-Claude savait qu’il serait toujours sa créature en quelque sorte, même si le lien du sang qui les unissait avait été coupé.  Belle Morte essayait de lui faire revivre ce moment, mais il ne pouvait pas dire si elle souhaitait qu’il soit dans son lit de soie ou son lit de verre pilé. Il y avait trop d’histoire dans ce seul baiser, une performance que les vampires français avaient perfectionnée.

Les heures suivantes furent normales, ni plus ni moins que ce que Jean-Claude avait imaginé. Mais comme on était au Conseil, le fait que tout semblait parfaitement planifié, une sorte de routine, le maintenait dans un suspens inconfortable. Tous n’étaient pas encore présents ; La reine des Cauchemars ne voulait pas s’occuper  elle-même d’un simple sourdre de sang, elle laissait cela aux autres membres du Conseil. Pourtant sa montée en pouvoir était un évènement suffisamment rare pour attirer l’attention du Conseil et  Jean-Claude pensait qu’ils ne feraient rien pour le moment, mais en même temps il ne pouvait s’empêcher de se demander si une mauvais surprise ne l’attendait pas quand ils le renverraient.

La vie au Conseil n’était jamais calme, à moins que vous ne donniez le nom de calme au silence des eaux profondes où vivent des dangereuses créatures. Cette nuit était plutôt un test cependant. Oh ils pouvaient prétendre l’honorer de son changement de statut tout à fait inattendu, mais Jean-Claude était très méfiant ; des complots se cachaient sous les sourires de façade et des assassinats soudains pouvaient naître des beaux regards colorés qui brillaient de pouvoirs.

Si tout allait bien, après-demain il serait de retour à St Louis, pour célébrer avec Anita et Asher et le reste des léopards-garous et des vampires, peut-être aussi avec les loups-garous, quoique sa relation avec Richard pouvait être décrite comme tendue de façon permanente. Cette pensée amena un sourire sur ses lèvres avant qu’il ne se souvienne comment Asher et lui s’étaient quittés.

Bon, un coup de téléphone ne guérirait sans doute pas les dégâts, mais ce serait mieux que rien du tout et Jean-Claude était sincèrement désolé qu’ils ne se soient pas parlés avant son départ pour ce voyage hasardeux.

Juste comme ils passaient la porte de style médiéval pour entrer dans la chambre d’audience, Jason devant lui s’arrêta, tendu, lui donnant une sorte d’avertissement.

Juste après, Jean-Claude se sentit frissonner au son de la voix de Belle Morte, qui arrivait à ses oreilles paresseusement.

« Jean-Claude, j’espère que tu vas apprécier le petit cadeau que je t’ai préparé pour ton retour à la maison »

« Oh merci, mais vous revoir était suffisant » répliqua-t-il doucement, de façon automatique. Au fond de lui, quelque chose qui lui semblait familier, lui titillait la mémoire.

« Ta bouche si douce m’a manqué, Jean-Claude, et comment nous nous donnions et recevions du plaisir mutuellement, quelque chose que tu as appris de moi, n’est-ce pas ? » son rire létal résonna dans toute la pièce et affecta chaque chose et chaque membre du Conseil également. Jean-Claude réprima un sourire de satisfaction à les voir grimacer d’irritation.

« J’ai été formé uniquement par les meilleurs » murmura-t-il en retour. Elle s’était approchée en glissant vers lui et avait remplacé Violeta qui avait été son escorte jusqu’à la Chambre. Violeta était restée tout le temps, sans doute sous les ordres de Belle. La petite moue de ses charmantes lèvres teintées en violet, fut le seul signe qui traduisit son déplaisir d’être mise de côté maintenant.

Jean-Claude fut heureux que le bras de Belle soit posé sur lui légèrement et non brûlant de l’ardeur… le symbole le plus visible et le plus irrésistible du lien qu’il avait toujours avec elle, le sourdre de sang de sa propre lignée.

« Tu es excellent pour partager, si je me souviens bien. Transmets mes salutations à Asher ; j’espère qu’il appréciera ma bagatelle également, je me suis donnée beaucoup de mal pour la trouver ».

Belle Morte se pencha plus près de lui un moment très bref, scellant sa bouche d’un baiser, très différent de celui qu’elle lui avait donné pour le saluer, et quand finalement elle le laissa, il était légèrement  bouleversé, malgré lui. Un léger sourire flottait sur les lèvres de Belle et elle fit un léger mouvement, très gracieux ; on aurait pu penser à une courbette si ça n’avait pas été de la part de Belle Morte.

« Vraiment, Jean-Claude, tu devrais apprécier ta patrie pendant ton séjour. Viens te joindre à nous » dit elle comme une offrande.

Soudainement, il se rappela pourquoi ses propos lui semblaient familiers. Ils faisaient échos à ceux de Violeta dans la limousine, ce qu’elle avait dit sur la manière dont Belle Morte avait fait de gros efforts pour accueillir son favori… et combien Asher allait l’apprécier aussi. C’était bien cela qu’avait dit Violeta, qu’Asher aurait aussi dû venir ? Il avait attribué ses paroles au désir qu’elle avait de le revoir mais cette remarque semblait avoir une toute autre signification. Mais qu’était-ce donc ce cadeau dont parlait sans cesse Belle ?

« Mes compagnons, finit-il par articuler, réalisant que Belle attendait sa réponse.

« Apporte ton gentil loup avec toi, si tu veux. Tu me le présenteras, il a des yeux tellement irrésistibles » Elle lança un coup d’œil à Jason qui détourna son regard presque instinctivement et resta silencieux. Jean-Claude se demandait comment Belle prendrait d’ailleurs le sens particulier d’humour de Jason.

« Et pour les autres, je pense qu’ils ont leurs chambres ici » dit-elle en s’arrêtant. Meng Die et Faust avaient deux chambres séparées, alors que Jason en tant que pomme de sang était supposé partager celle de Jean-Claude. Ils disparurent donc dans leurs logements non sans avoir jeté un coup d’œil à Jean-Claude pour obtenir la confirmation que leur présence n’était plus nécessaire. Il donna d’un geste son assentiment espérant que rien ne leur arriverait, mais conforté dans l’idée qu’ils avaient déjà au moins fait l’expérience avec Musette.

« Nous y allons maintenant ? » dit-il enfin, voyant que Belle attendait toujours sa réponse.

« Allons-y ». Sans doute un banquet de sang les attendait, car c’était quelque chose que le Conseil aimait beaucoup offrir pour honorer ses invités.

Il se détourna pour capter le regard de Jason juste un moment, essayant de lui transmettre un signal pour le rassurer. Jason n’avait pas été très enthousiaste pour venir, mais il ne dit rien.  Jean-Claude n’avait pas besoin de réplique verbale pour comprendre ce qu’il ressentait ; Mort d’Amour était présent au conseil ce soir, il était à la tête d’une lignée de vampires corrompus, la source des cauchemars de Jason.

Comme s’il avait lu dans la pensée de Jean-Claude, Jason fit une grimace, mais quand Jean-Claude se retourna pour offrir son bras à la petite mais terrifiante vampire, le loup-garou suivit à regret car il avait senti une odeur de quelque chose à travers la porte fermée de la chambre qui leur était destinée. Mais il ne pouvait pas en discuter à l’instant devant Belle Morte… et l’odeur était faible, peut-être juste laissée par la personne qui avait occupé la pièce auparavant.

Le plus important était de découvrir ce que Belle Morte avait manigancé pour eux.

 

 

 

 

 

 



16/05/2012
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 7 autres membres