Chapitre 3 - Voyage en Hongrie
Voyage en Hongrie
- 1866 –
- I -
Fin janvier le couple impérial quitte Vienne pour se rendre à l'invitation des Hongrois. Ils arrivent à Pest le 29 janvier et Elizabeth retrouve avec émotion le château de Buda qu'elle avait quitté dans les tristes conditions de 1857 après le décès de leur petite Sophie, mais elle se contrôle mieux maintenant. Par contre François-Joseph maîtrise moins son désarroi et lorsqu'il voit la petite chambre où est morte leur petite fille, il fond en larmes.
Elizabeth est de nouveau conquise par l'accueil si chaleureux, si naturel des Hongrois : les arcs de triomphes couverts de banderoles, les haies de paysans et paysannes en costumes nationaux qui agitent leurs mouchoirs ou des petits drapeaux lorsqu'elle passe dans la voiture impériale. Elle sait pourtant que dans la capitale il sera moins facile de briser les barrières qui existent depuis la répression sanglante de 1849. Des familles d'aristocrates comme les Batthyáni par exemple, n'ont jamais pardonné et si elle en comprend parfaitement leur raison (Lajos Batthyáni avait été fusillé à Pest le 6 octobre 1849) elle espère que sa venue détendra un peu les tensions et atténuera les dissensions. Elle est venue pour conquérir ce peuple et elle espère bien y arriver totalement.
Pour cela, il faut subir ce qu'elle déteste le plus, paraître en public, prendre la parole, assister aux cérémonies et réceptions, aux bals avec toute la fatigue que cela représente. Les longues séances d'habillage, de coiffure, les longues stations debout… En revanche, l'amour des chevaux qu'elle partage avec les Hongrois lui assure encore plus de popularité. Lorsqu'elle prend part aux parades et qu'ils la voient apparaître sur sa monture, droite, fine, maîtrisant parfaitement son cheval, ils laissent éclater leur enthousiasme, alors qu'à Vienne, ses qualités équestres sont violemment critiquées, les Viennois jugeant indigne d'une impératrice d'exhiber des talents « d'écuyère de cirque ».
Le 1er février, une délégation des deux chambres vient saluer le couple impérial et exprime avec une telle chaleur la gratitude de toute la nation pour la venue d'Elizabeth, qu'elle se rend bien compte à quel point les Magyars lui portent affection. Elisabeth comprend qu'avec ce peuple, cette nation chevaleresque, il ne s'agit pas de représentation officielle, mais d'un véritable acte d'amour.
François-Joseph s'adresse aux parlementaires avec un discourt plus réfrigérant, disant en des termes sans équivoque que les Hongrois ne doivent pas former des espoirs immodérés ou formuler des exigences irrecevables.
Heureusement Elizabeth prend la parole à son tour, en hongrois, et étendant ses mains vers les députés elle leur exprime avec ferveur ses sentiments :
- Veuille le Tout Puissant soutenir votre activité de ses plus généreuses bénédictions, et ses yeux s'emplissent de larmes. Même si elle ajoute, mais chaleureusement, qu'ils doivent se contenter de « désirs réalisables », ses paroles sont accueillies avec émotion. Ce ne sont plus les fougueux « eljen » qui retentissent mais en retour jeunes et vieux ont les yeux humides et certains laissent même couler de vraies larmes le long de leurs joues.
Toutes les actions faites en faveur des Magyars, que ce soit des grâces accordées, la restitution des biens des émigrés, l'opinion les attribue au seul fait de la jeune impératrice.
François-Joseph ne se rend pas encore bien compte à quel point son épouse est attachée à ce pays. Pour lui, il n'y a de positif que le côté utile.
« Sissi m'est d'un grand secours, écrit-il à sa mère, par sa politesse, son tact plein de mesure et sa connaissance de la langue hongroise ; il est des remontrances que le peuple accepte plus volontiers dans sa propre langue et venant d'une jolie bouche ».
Malgré la fatigue des bals, des réceptions, Elizabeth s'épanouit dans ce pays sous les regards admiratifs des Hongrois.
Le 3 février, un bal rassemble 600 invités au château d'Ofen (nom allemand donné à Buda) Elle choisit une toilette avec soin qui mette en valeur sa silhouette. Elle y apparaît donc, magnifique, mais l'effort qu'elle a dû produire pour rester longtemps debout, parler avec autant de personnes, sans oublier le port de la lourde robe et des bijoux, du diadème coiffant le poids des lourdes tresses, l'a épuisée. Le lendemain, elle paie de nouveau cet effort par les abominables migraines et les invités venus tout spécialement pour voir la jeune impératrice et lui être présentés au cour d'un autre bal, sont déçus de ne voir arriver que l'empereur, seul.
Elle doit garder la chambre et rester allongée dans l'obscurité, terrassée par ces migraines obsédantes, sa chevelure défaite, tombant à terre pour alléger sa tête douloureuse. Ida, sa douce Ida, sait comment distraire sa maîtresse, elle lui fait la lecture à mi-voix ou bien elle bavarde gentiment avec elle.
- Savez-vous ce que j'ai entendu raconter à votre propos Majesté ? ce sont des paroles que les chambrières ont entendues dans les rues.
- Alors raconte-moi ce qu'on dit dans les rues à mon sujet, que je compare si c'est la même chose qu'à Vienne.
- Et bien voilà, une bonne vieille femme qui bavardait avec une voisine disait que vous ne ressembliez pas du tout à une autrichienne – « tu sais, mon fils Joska l'a vue l'impératrice, elle a des cheveux bruns et elle parle très bien notre langue. En plus, elle aime les chevaux et il paraît qu'elle a dit qu'elle aimerait galoper dans la puszta sur un beau cheval hongrois ; mais bien sûr l'empereur ne le lui permettra pas – Szegény (la pauvre), comme elle doit être triste ».
Elizabeth se met à rire doucement, les larmes lui montent aux yeux. Comme ça fait du bien de rire enfin librement et comme ces gens sont chaleureux, touchants dans leur simplicité, comme ils l'aiment !
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