Plume et parchemin

Plume et parchemin

Les mordus de la Danse - Chapitre 6 B - révélation

Il se lève pour parler avec Alex et d'autres boys. La répétition est terminée et je rassemble mes affaires en attendant de prendre congé.

Il se tourne vers moi quand les garçons ont quitté la salle et il me regarde un instant en silence puis demande:
-       Que voulez-vous faire maintenant ?
Je hausse les épaules, ne sachant pas quoi répondre – a-t-il prévu quelque chose ?
-       Si vous voulez passer un moment seul à seul avec Nathan, murmure-t-il.
-       Non ! je l'interromps – non, il n'en est absolument pas question, qu'allez-vous imaginer…Je me sens gênée qu'il ait pu penser que j'avais des vues…hum...charnelles sur le beau strip-teaseur.
Il pousse une sorte de soupir avant d'ajouter :
-        Voulez-vous prendre un verre avec moi ? Pour que nous puissions discuter…danses et musique par exemple ? A moins que vous ne soyez pressée de rentrer, naturellement.
Je lui adresse un sourire en retour
-        J'ai tout mon temps, rien de prévu et oui, j'accepte volontiers que nous puissions discuter.

J'ai plein de questions à vous poser, vous êtes tellement mystérieux.

Son visage s'éclaire.
-        Parfait, alors allons dans mon appartement, il est situé au-dessus – il fait un signe de la main pour montrer le plafond.

 J'accepte et le suis dans le couloir où il ouvre une porte qui donne sur une cage d'escalier. Il me précède et gravit un étage. Un autre couloir dessert plusieurs portes. Il va vers le fond et ouvre une porte sur la droite, s'efface pour que j'entre.

Il me conduit dans le séjour et j'ouvre des yeux étonnés car tout est meublé en acajou, ce qui n'est pas commun pour un logement de célibataire, on se croirait dans le salon de Madame Récamier ou de Chateaubriand.

-        Du style Directoire ! je m'exclame, involontairement.
-        Vous n'aimez pas ? interroge-t-il d'un air déçu.
-        Oh si, justement, j'adore cette époque mais c'est plutôt surprenant pour un homme de votre génération, non ? à moins d'être antiquaire, naturellement.
-        Je ne fais rien comme tout le monde, je crois, répond-il avec une petite moue.
-        Je ne vais sûrement pas critiquer, c'est un ensemble magnifique.

Je fais le tour de la pièce : entre les murs recouverts de belles bibliothèques en bois plus clair, chargées de livres reliés en cuir, les tableaux représentant des scènes de chasse à cour ou des élégantes en robes empire, les fauteuils, les chaises, la méridienne, recouverts de satin vert pâle, tout est parfaitement choisi et agencé. J'ai soudain la vision de mon rêve où il était accoudé au clavecin en tenue regency. Il n'aurait pas dénoté ici, dans son décor.
-        Votre salle à manger est-elle en mobilier Chippendale[1] ? je demande, avec une pointe d'humour.
Tristan éclate de rire. Pas ce rire de gorge sensuel mais un beau rire qui résonne en cascade.
-       Désolé, je n'ai pas de salle à manger, finit-il par dire mais j'ai une chambre qui vous plaira sûrement si vous aimez le mobilier d'époque. Venez voir !

Il sort du salon et empruntant le couloir ouvre une porte et s'efface sur le seuil. Je sursaute car la chambre est sombre, tapissée d'un tissu vert foncé broché et un immense lit en acajou de style empire occupe le centre. Un lit si large qu'on pourrait à l'aise y coucher trois personnes ! Deux fauteuils, des tables de nuit et une grosse commode composent le reste du mobilier, mais vraiment ce lit est impressionnant. Le style est un peu sobre et austère pour y faire des orgies, mais vu qu'il manage une troupe de strip-teaseurs, on peut tout imaginer.
-       Alors ? demanda Tristan, nonchalamment appuyé sur le chambranle de la porte.
-       Quand je pense à mon petit lit étroit, j'envie le votre ! Vous pouvez vous coucher en travers sans avoir les pieds qui dépassent ! J'essaie vaguement de plaisanter en restant neutre.

Il émet un petit bruit de gorge qui pourrait être interprété de diverses façons. Je me tourne vers lui et accroche son regard. J'y lis une faim (désir sexuel ? soif de tendresse ?) mais pas ce genre de regard qu'ont les hommes quand ils savent qu'ils nous font beaucoup d'effet et qu'on est prête à tout avec eux. Non, là, il y a une retenue, je dirais presque de la crainte. Je m'approche un peu plus – de toute façon il est en travers de la porte et je ne peux pas passer sans le toucher – il tend une main vers moi, caresse ma joue, ferme les yeux…
-       Elina, dit-il à voix basse, presque dans un souffle.

Mon cœur accélère – j'ai aussi un tel besoin de le toucher… je lève la main pour caresser ses cheveux, j'en ai envie depuis longtemps. Je passe mes doigts à travers, ils sont doux, soyeux. Tristan gémit doucement. Il m'attire juste un peu plus près de lui, je sens son corps tout près du mien, respire son parfum, un mélange boisé et frais, comme une forêt après la pluie. Tout se passe au ralenti, nous nous touchons très délicatement, juste de lentes caresses et j'aime cette délicatesse. Le plaisir de goûter chaque instant, l'attente délicieuse de découvrir un peu plus de l'autre. Je pose ma tête sur son épaule et il m'entoure de ses bras. Je lève les yeux et me noie dans le bleu océan, un peu plus sombre dans l'obscurité de la pièce. Nos deux regards s'accrochent, des messages non formulés échangés… il baisse doucement la tête, sa bouche venant effleurer la mienne dans une douce caresse. Lentement, il continue à frôler, glisser sur mes lèvres, jusqu'à ce que nous soyons un peu haletants. Il lèche doucement ma bouche, avance sa langue délicatement pour goûter la mienne et lentement nous savourons cette intimité, laissant le baiser s'intensifier, se prolonger plus profondément, peu à peu plus intense, nos deux cœurs battant très fort à l'unisson.

Soudain, quelque chose pique ma langue et je sens le goût du sang dans ma bouche. Tristan, immédiatement l'aspire et lèche ma langue, puis il se dégage et murmure.
-       Je suis désolé, Elina, je me suis laissé emporté…
Je suis totalement désorientée – Il m'a mordue ? Je lui jette un regard interrogateur.
-       Oui, je suis dangereux, avoue-t-il le visage sombre soudain. Et il retrousse les lèvres pour me faire découvrir… deux canines, longues, très acérées.
-       Oh mais vous êtes … je n'arrive pas à formuler ma réponse.
-       Un buveur de sang, Elina, c'est ce que je suis en effet.
Je suis absolument abasourdie – une sorte de vampire ? A notre époque ? Et pourtant si je me remémore tous les faits étranges, tout pourrait coller parfaitement.
-       Venez, dit-il doucement, en me prenant le bras, allons discuter calmement, je dois tout vous expliquer. C'est ce que j'ai toujours souhaité faire mais je ne savais pas comment vous l'avouer. Il me reconduit au salon et m'avance un fauteuil, tout près du sien. Il commence son récit.
-       Savez-vous quand je suis né ?
-       Non aucune, idée mais je ne vous donne 30 ans environ.
-       Je devrais en avoir 32 – il sourit – si je n'étais pas né en 1795.

Un instant de silence s'installe, pendant que j'essaie d'analyser ce qu'il vient de m'apprendre et je pense que je ne vais pas être au bout de mes surprises.
-        Vous êtes né en 1795 en France, c'est cela ? J'essaie d'être pragmatique si ce mot peut s'appliquer à ce genre de nouvelles.
-        Exactement – Tristan (il prononce son prénom à la française) Hautecombe, famille près de Grenoble.
-        Ainsi, la vision que j'ai eu de vous dans mon rêve se situait… voyons dans les années 1820 ? selon la façon dont vous étiez habillé, je dirais la Restauration ?
-        Absolument, ça devait être en 1821, bravo pour vos connaissances ! Mais je m'étonne toujours de votre rêve car ce concert a vraiment eu lieu et ce que vous m'avez décrit ressemblait en tous points à la réalité.
-        Peut-être y avez-vous pensé également et comme vous m'aviez confié que vous pouviez intervenir dans mes rêves…
-        Je ne me souviens pas d'y avoir spécialement pensé, mais bon… il y a tant de mystères qui nous entourent…et qui nous lient…
-        A qui le dîtes-vous ! m'écriai-je, c'est vous qui êtes un puits de mystères, Tristan.

Il sourit de nouveau et soupire.
-        Je sais, j'aimerais souvent qu'il en soit autrement mais je dois accepter la fatalité.
-        Désolée, je vous ai coupé la parole, poursuivez votre récit, je vous en prie.
-      J'ai donc grandi dans le château de ma famille, qui avait échappé à la Révolution, nous étions trop loin de la capitale, bien heureusement. J'ai eu des précepteurs qui m'enseignèrent ce qu'un jeune homme devait savoir, les « humanités » comme on les nomme, plus l'escrime et la danse pour briller en société. Je suis parti ensuite voyager à l'étranger pour parfaire mon  éducation, si je puis dire. J'ai finalement débarqué en Angleterre en 1826 où j'ai fréquenté une bande de jeunes gens qui se targuaient de connaissance des sciences occultes.
-        Oh, je vois… quelques expériences dangereuses ?
-   Oui, Elina, des expérimentations qu'ils ne savaient pas maîtriser et des essais plutôt hasardeux. Ingérer des plantes hallucinogènes pour avoir des « visions » ne mettait pas la vie en péril mais ils ont poussé un peu plus loin leurs investigations.
-        Vous les avez suivis ?
-        Au début, je vivais tout ça de manière très dilettante, pour m'amuser, plus qu'en y croyant. Des histoires de jeunes gens un peu fous. Mais ensuite, je ne savais pas ce qui allait m'arriver. En fait, l'un des membre de cette « secte » était très attaché à moi, amoureux si vous voulez, sans que cela soit réciproque et devant mon refus de partager sa vie, il s'était mis dans l'idée de « nous unir » tous les deux de manière irrévocable, ceci sans m'en faire part naturellement.
-        Oh et qu'arriva-t-il ? je sens que je vais découvrir un secret terrible.
-      Une catastrophe ! Il fit fabriquer un « philtre », comme il nommait cela, par une espèce de sorcier de sa connaissance et le versa dans le vin que nous devions partager. J'avoue que j'avais trop bu ce soir-là et je ne détectais pas le goût étrange de la boisson. Je bus, beaucoup, beaucoup trop de ce philtre. Mon cœur se mit à ralentir, de plus en plus. Mes camarades présents s'affolèrent de me voir sans connaissance, littéralement en train de mourir. L'un d'eux fit appel à une de ses connaissances, sachant qu'il avait un grand pouvoir de guérison. Seulement, il ne savait pas quel genre d'individu était cet homme.
-        Il vous sauva la vie ?
-        On peut dire cela comme ça, sauf que ma vie avait basculé. Il me donna son sang à boire, encore et encore, toute la nuit pour remplacer celui qui était infecté par le philtre. Et si j'ai survécu, j'étais devenu comme lui.
-        Un vampire ?
-        Je n'aime pas ce terme car cela sous-entend des tas de choses qui n'existent pas. Je dirais plus exactement que j'étais devenu un « buveur de sang ».
-        Vous ne vous nourrissez plus que de cela ?
-        Oui. La réponse est nette, tranchante.
-        De qui vous nourrissez- vous ? De vos spectatrices ? je suis plutôt horrifiée.
-        Non ! non ! c'est interdit.
-        Oh –je réalise soudain – vos boys ?
-     Certains – les autres sont … comme moi, avoue-t-il d'un ton morne. Ils ont subi le même genre d'accident à des époques différentes.
J'essaie d'analyser toutes les données que je viens de recevoir.
-        Si je résume tout : vous avez été transformé à l'âge de 32 ans et n'avez jamais vieilli depuis ? êtes-vous immortel ?
-   Immortel ? Non, on peut toujours me tuer… en croisant mon regard, il a une sorte de demi-sourire – et pas avec un pieu dans le cœur. Sinon, je ne vieillis pas c'est exact.
-        Combien des garçons sont comme vous ?
-        Alan, Jayson, Marwin, Stefan, Colin. Dit-il en comptant sur ses doigts. Alex, Craig, Derek, Dimitri et Ethan sont humains et nous nourrissent
-        Et tout fonctionne parfaitement bien, vous liant les uns aux autres avec des liens tellement plus forts que la simple amitié, ou partenariat d'un groupe de danseurs.
-        Absolument, vous comprenez très bien la situation.
-        Mais, si je puis vous poser la question – pourquoi ce club de strip-tease ?
-        Ah, c'est un autre aspect de la transformation de certains d'entre nous, un autre besoin… il hésite un instant.
Je réfléchis un instant pour envisager à quoi il fait allusion.
-        Un besoin de sexe ?
-        Oui, c'est cela et avec cet emploi ça permet aux boys de satisfaire leurs envies sans que cela paraisse déplacé.
-        Oh je comprends ! Et les femmes ne sont pas les dernières à demander, vu les beaux gosses que vous offrez dans votre club, j'ajoute avec un sourire. Certains hommes non plus, ceux qui aiment ce genre de relation.

Il y a une question qui me brûle les lèvres mais que je n'ose pas poser. Lui aussi avait-il subi ce besoin après sa transformation ? Mais comme souvent, Tristan doit lire dans mes pensées car il ajoute.
-        Non, pas moi, Elina. Ceci dit, j'adore flirter et le fait d'avoir ouvert ce club m'y pousse un peu. Il a une petite moue contrite.

Je me mets à rire doucement, le contraire aurait été étonnant. Je ne peux pas lui jeter la pierre et il a été très franc avec moi. Mais justement, que venais-je faire dans tout ça ? Une simple envie de flirt ? Il fallait que je sache où j'allais pour ne pas faire d'impair ou … m'attacher trop à ce bel homme.
-        Donc, vous avez envie de flirter avec moi ? j'avance du ton le plus détaché possible.
Tristan me regarde les sourcils froncés, réfléchissant pendant un moment qui me parait très long. Finalement il émet de la voix basse que je lui connais bien.
-        Non… pas un simple flirt, pas seulement envie de … m'envoyer en l'air avec vous… c'est beaucoup plus compliqué que cela.

Il se tait de nouveau. Il est vrai que lorsqu'on a déjà vécu 198 ans, on n'est pas à 5 minutes près. Je dois me montrer patiente, ne pas le brusquer.
Finalement, il reprend d'une voix un peu rêveuse.
-       
Le jour où je vous ai sauvée, j'ai ressenti un grand choc. Goûter votre sang, si peu, mais tellement délicieux – je sursaute - oui, vraiment, je n'avais qu'une envie, vous revoir, avec l'espoir d'y goûter encore et pour cela j'avais envie de vous séduire, je l'avoue, dit-il presque penaud.
-       
D'où votre côté très séducteur, je comprends.
-       
Maintenant, tout est plus compliqué. Si l'envie de votre sang est toujours comme une espèce de drogue, il y a la découverte de votre personnalité, la danseuse qui me fascine, votre sensualité que vous cachez derrière le « professionnalisme », mais que je ressens dans toutes les fibres de mon être. Je vous ai vue danser avec John, avec mes boys, si vous laissez parler votre vrai « moi » vous êtes totalement femme, sensuelle, ensorceleuse, mais aussi très tendre, c'est captivant – je dois le regarder d'un air étonné car il ajoute – vous n'en êtes pas consciente ?
-       
J'avoue ne pas y penser… avouai-je.
-       
Vous avez mentionné le danseur avec qui vous aviez dansé Shéhérazade lorsque vous n'aviez que 18 ans, c'est cela ? – j'acquiesce – il vous avait fait découvrir un monde de sensualité, n'est-ce pas ?
-       
Parfaitement – c'était une grande et agréable découverte, dis-je en en me remémorant ces moments qui avaient marqué ma vie.
-       
J'ai vu que Ethan ravivait ces souvenirs, je ne me trompe pas ?
-       
Non… je rougis légèrement.
-       
Vous n'avez pas à vous sentir gênée. D'une part, c'était très beau, vous étiez parfaitement complémentaires tous les deux et puis il n'y a pas de honte à désirer un homme, c'est parfaitement naturel. C'est pourquoi je vous ai demandé si vous aviez envie de prolonger ce moment avec lui.

Je ne sais pas quoi lui répondre. Avouer que Ethan m'attire charnellement mais que c'est lui, Tristan, que j'ai envie de charmer parce que tant d'autres choses me séduisent chez lui, différentes de la simple envie de sexe.

Tristan lève un sourcil interrogateur. Je décide de révéler le plus possible la vérité et advienne que pourra !
-         Ethan représente l'homme charnellement le plus tentant et il le sait parfaitement. Il est vrai que cela m'a rappelé mon expérience quand j'avais dansé Shéhérazade et la musique ajoute la touche de sensualité, j'y suis très sensible. Ceci dit, je ne connais pas cet homme ! Et le strip-tease ne signifie pas du sexe réel, mais l'idée qu'on pourrait en obtenir, c'est pourquoi c'était facile de me laisser aller avec lui. Vous me dites qu'il est l'un des « humains » de votre groupe. Je ne sais pas comment il arrive à fonctionner dans votre système. Donner son sang n'est pas anodin… en échange de sécurité ? d'autre chose ? Je dois avouer que la personne qui m'intrigue le plus ici, c'est vous ! - Tristan a un léger sursaut – comme vous le signaliez auparavant, vous m'avez sauvée et je vous dois… la vie, bien que vous sembliez trouver ça normal, c'est quelque chose qui m'a marquée. Ensuite, c'est votre personnalité qui m'a attirée : vous êtes un très bel homme, vous n'allez pas le nier – il sourit – mais c'est aussi votre manière de communiquer par télépathie, et lorsque vous avez dit que nous étions liés ;  au premier abord, j'ai trouvé cela déroutant, voire angoissant, mais, plus tard, je me suis aperçue que ce lien comptait aussi pour moi, qu'il était important dans ma vie.
-        Vous ne vous êtes pas enfuie quand je vous ai annoncé ce que je suis, c'est déjà remarquable. Je retardais le moment où je devrais dévoiler mon état, car j'avais dans l'idée que vous alliez vous sauver à toutes jambes.
-        D'autres l'ont fait ?
-     Oui, dans le passé – un passé assez lointain car j'avais décidé de ne plus chercher à me révéler à quiconque et donc j'avais renoncé à une liaison autre que très passagère… c'est frustrant, rage-t-il.
-        Je pense que vous avez compensé avec la présence de vos boys. Alex semble très proche de vous, non ? Finalement, la tendresse peut se partager entre hommes aussi, n'est-ce pas ?

Il me dévisage, l'air un peu étonné.
-        Vous êtes extrêmement clairvoyante !
-        Disons, que je ressens les attachements entre les personnes, je suis de nature empathe.
-        Oh, je m'en doutais. Et vous ressentez de l'empathie envers moi, au travers de ce lien que vous avez mentionné ?
-        Vous l'avez senti, tout à l'heure, n'est-ce pas ? Votre contact cherchait ce lien, au travers du baiser passionné, ai-je raison ?
-        Oh oui… mais je me suis laissé emporter, je dois être vigilent pour ne pas vous blesser.
-        Encore une manière de goûter mon sang, plaisantai-je.
-        Hummm dit-il en fermant les yeux, absolument délicieux.
-        Alors là, j'avoue que j'ignorais qu'on pouvait le déguster comme on teste un … grand cru ! je me mets à rire.
-        Si, si, Elina – chaque individu a son parfum personnel, l'odeur de sa peau  - je suis sûr que vous y êtes très réceptive, je me trompe ? – je fais signe que non – et le sang qui coule dans ses veines est différent pour chacun. Il peut être sucré, mais aussi amer avec un goût de fiel (il fait une grimace de dégoût) il peut être « épicé », le votre est plutôt exotique, comme un nectar de fleurs, subtil mais puissant… aphrodisiaque ajoute-t-il en me fixant de son regard profond.
-     Votre peau, Tristan, c'est la fraîcheur d'un pré, un parfum de verveine, de menthe poivrée, d'herbes mouillées après la pluie… on a envie de se rouler dedans, avouai-je.
Il me tend les bras et dit de sa voix basse et sensuelle.
-        Viens te rouler dans mon parfum, il est pour toi.

Je le rejoins sur son fauteuil. Il m'attire sur ses genoux et je plonge mon visage dans son cou, sous ses cheveux longs. Nous nous cherchons… caresses pour trouver la peau douce… je dénoue sa cravate, déboutonne son gilet, sa chemise, pour caresser son torse.
-        Tu as une véritable peau d'albâtre. Je suppose que tu ne t'exposes jamais au soleil ?
-     Non, pas de soleil, seulement sortir par temps couverts – j'adore l'hiver où je peux aller dehors et l'été je dois rester enfermé jusqu'à la nuit. Il fait une petite moue.
Il enlève lentement mon chemisier, caresse mes épaules et frôle du pouce le haut de mes seins.
-        Ta peau est presque aussi pâle que la mienne, dit-il.
-        Je n'aime pas non plus le soleil.
-        Pourquoi ? interroge-t-il, étonné.
-        Parce qu'avec mon teint d'anglaise, je ne peux pas bronzer, je vais plutôt me couvrir de taches de rousseur. Quelque chose que je devrai ensuite camoufler avec du fond de teint pour danser. Alors, je préfère rester blanche, je sais ce n'est pas du tout à la mode, mais tant pis.
-       
Moi, ça me plaît bien et puis comme ça nous sommes semblables.
J'aime cette recherche de contacts qui nous unit l'un à l'autre, lentement… pourquoi se hâter ?
Il pose sa bouche dans mon cou sur la veine qui palpite, je sais qu'il peut flairer le sang et cela doit le griser, mais je lui fais entièrement confiance.
-        Ne crains rien, dit-il d'ailleurs, je ne veux pas te faire de mal, jamais ! Tu m'es trop précieuse… j'aime te respirer, sentir la vie qui coule en toi et que je n'ai plus, naturellement.
-        Un gros sacrifice pour rester jeune… pour des siècles…
-    Tu sais que ce n'était pas mon choix, mais j'accepte ce nouvel état… je vis avec depuis longtemps, je m'en accommode.
-      J'espère bien – moi aussi je t'accepte tel que tu es, tes mystères font partie de toi et j'aime que tu sois ainsi.
-    Oh – il relève la tête – j'adore ce que tu viens de me dire… Mais il faut que je t'avoue quelque chose… - il hésite.
-        Quoi donc ? dis-le moi… sans crainte.
-        Le jour où je suis allé vous voir danser pendant votre répétition…
-        Chez Jennifer ?
-        Oui. C'était tellement troublant cette danse, je suis rentré totalement… excité …j'avais envie de caresses moi aussi, que tu frôles mon corps pour faire monter mon désir, comme tu l'avais fait en fée avec John... je voulais que tu sois à moi…
-        Vraiment ? Alors qu'as-tu fait ? je demande à voix basse.
-        J'ai imploré Alex de me caresser…
-        Bien … il a dû adorer ça… il t'aime beaucoup. C'est lui qui te nourrit ?
-       
Oui, chuchote-t-il, c'est lui… et les caresses m'excitaient encore plus alors je l'ai prié de …
-        Te prendre ?
-        Non, de LE prendre comme si je te faisais l'amour… murmure-t-il.
-    Oh, je comprends, il n'y a rien de choquant, j'accepte les relations entre hommes, entre danseurs c'est tellement courant.
-        Naturellement, je n'y avais pas pensé, j'avais tellement peur que ça te dégoûte…
-        Merci pour ta franchise alors… mais c'est Alex qui doit me détester !
-        Oh non, pas du tout – il est heureux que tu sois là, il voit bien que je suis fou de toi !
-        Parce que tu es fou de moi ? j'interroge à mi-voix.
-        Oh oui, j'ai envie de faire mille folies avec toi, dit-il en me serrant très fort.
-        Des folies ? hum… raconte-moi ça.
-        Par exemple, de te faire l'amour, j'ai tellement envie de te donner du plaisir, de plonger dans tes yeux quand tu auras un orgasme et à ce moment de boire ton sang… il me regarde hésitant … tu aimerais ?
J'ai le souffle court à l'évocation de ce programme
-        Oui, je murmure, oh oui…
Ses yeux s'agrandissent et me fixent.
-        Tu me laisserais faire tout ça avec toi ?
-        J'ai envie de te donner ce plaisir alors que toi tu me combleras autrement.
-     Je ne te laisserai pas de marques visibles … le creux du coude, c'est très discret… mais quand je bois le sang, c'est aussi très … orgasmique pour la personne… susurre-t-il.
-    Oh, j'avais entendu parler des fameuses morsures vampiriques « jouissives » mais je ne savais pas s'il en était de même pour toi.
-       Ce n'est pas la morsure qui est « jouissive » comme tu dis, mais le fait de boire le sang de la personne, car ça crée un lien entre les deux qui sont ainsi unies comme si elles faisaient l'amour… autrement…
-    Je comprends un peu mieux pourquoi tes boys « humains » n'ont pas envie de vous quitter, dis-je amusée.
-        Ils sont accros à nos crocs tu veux dire !!

Nous nous mettons à rire tous les deux.

-     Je saisis le titre de votre club « les Mordus de la danse » ça m'avait intriguée quand je l'ai entendu la première fois.
-    Bien choisi, n'est-ce pas ? dit-il avec un sourire qui creuse une fossette dans sa joue.où je dépose un baiser.
Il reprend le baiser échangé auparavant mais cette fois c'est plus intime, tout en prenant garde à ne pas me piquer sur ses canines acérées.

Le désir monte entre nous. Je sens sous mes cuisses son sexe qui gonfle alors qu'il passe ses doigts dans l'échancrure de mon bustier pour caresser le bout de mes seins.

D'un mouvement rapide, il se lève, me prenant dans ses bras comme si je pesais à peine plus lourd qu'une plume et il m'emporte rapidement dans sa chambre pour me déposer sur l'immense lit.
-        Tu es à moi et je vais pouvoir caresser ton corps comme j'en ai envie, dit-il la voix basse et chaude.
-        Et moi le tien – j'ai le souffle court à l'idée de le voir nu près de moi.

Il m'aide à ôter mes vêtements alors que j'attaque les siens révélant ses hanches minces, un ventre très plat, où le nombril imprime une petite dépression – nid à baisers – ils se penche pour retirer son pantalon et j'admire ses cuisses, ses jambes musclées, ses fesses bien modelées... quand il se retourne, je pousse un oh, d'admiration. Au milieu d'une fourrure sombre, son sexe est beau, très long, d'une teinte à peine plus soutenue que sa peau, je pense voir une sculpture de Phidias, taillée dans le marbre. 
-       
Il te plait ? interroge-t-il, un peu hésitant ? Tu ne le trouves pas trop mince et trop long ?
-      Non, pas du tout, il me semble parfait … pour moi… j'ai horreur des sexes courts, épais, à mon avis tu vas me correspondre parfaitement.
-        Avant d'essayer, j'ai envie de te caresser.
-        Moi aussi et je passe mes mains le long de ses cuisses, remontant vers ses fesses.
-     Humm j'aime ça, gémit-il pendant que ses mains explorent tout mon corps avec dextérité. Quand il saisit mes mamelons et qu'il commence à les prendre dans sa bouche, je pousse un petit cri.
-        Je te fais mal ?
-        Non, au contraire … j'ai du mal à parler.

Alors il reprend mes seins entièrement dans sa bouche, et je sens juste la pointe des canines posées sur le bord, c'est absolument excitant. Savoir qu'il peut me mordre mais qu'il ne le fera pas, sauf demande de ma part.

Moi, je couvre tout son corps de caresses, sa peau est si douce, si parfaite. Je veux enfouir mon visage dans son odeur, le lécher pour mieux le goûter. Je suis ivre de son corps et il semble en être de même pour lui. Une véritable soif de caresses, de toucher nos deux peaux, nous ne sommes jamais rassasiés, nous en voulons encore et encore…

Lorsqu'il colle sa bouche, plus bas, sur mon entrejambe, la langue ouvrant les plis de mon intimité, je suis déjà humide, ouverte, offerte.
-        Prends-moi, s'il te plait, prends-moi...j'ai le souffle court...

Il se penche vers moi, son regard chargé de désir et doucement il descend et introduit le bout de son sexe. Je donne un coup de reins pour qu'il pénètre plus profondément. Il a un petit rire de gorge et peu à peu il avance, plus loin, plus loin, tandis que je m'ouvre comme une fleur pour l'accueillir. Il se dresse sur ses genoux et m'attire vers lui, me soulève pour donner un meilleur angle et pénétrer encore plus avant. Il s'arrête un instant craignant peut-être de me faire mal, mais j'ai envie qu'il soit encore plus au fond, je veux le trouver entièrement en moi. Je bouge les hanches pour lui montrer ce que je désire, alors il pousse encore, encore et je gémis de contentement, le plaisir me roulant comme des vagues. Il bouge, plus rapidement, avec plus de force et c'est comme s'il pouvait encore entrer plus loin ; je suis ouverte entièrement pour l'accueillir au sein de mon ventre. Le bout de son sexe est pressé de toutes parts, comme si je l'avais pris dans ma bouche. Je le vois fermer doucement les yeux, il pousse un petit gémissement et au même moment je sens une vague se former au fond de moi, grandir, grandir, m'emporter.
-       
Tristan, je crie, alors qu'il ressent l'orgasme me transporter.
-       
Je suis là – il se penche et je sens une piqûre au creux de mon coude.

Il se met à aspirer le liquide vital et chaque gorgée qu'il avale me relie à lui, à son sexe en moi qui pulse, gonfle, m'envahit encore plus. Le plaisir est plus grand que ce que je n'ai jamais connu. J'ai l'impression qu'il est totalement en moi, que je lui donne la vie, un enfantement. Il pousse un cri et laisse la puissance du désir l'envahir, sa semence jaillissant au tréfonds de mon être. Je m'arque sous lui, je vois un ciel étoilé et ….

 Elina… Je sens qu'on m'appelle, je sens des lèvres qui caressent les miennes, mais j'ai peine à ouvrir les yeux. Je suis bien, je suis au chaud, je n'ai plus envie de bouger. Elina… de nouveau mon nom…j'ouvre cette fois les yeux et je plonge dans le turquoise de son regard.
-        Tristan, je murmure…
-        Comment te sens-tu ? demande-t-il avec un peu d'anxiété dans la voix.
-        Bien, bien …

Il est allongé près de moi, penché au-dessus de mon visage, guettant mes réactions. Mais je suis couchée au chaud sur un corps…nu. Je tourne légèrement la tête et je vois Alex. Je suis donc allongée sur Alex ?
-        Que s'est-il passé ? je demande, totalement perplexe.
-      Tu as perdu connaissance dans la puissance du plaisir. Tu avais froid et il fallait te tenir au chaud. Alex est venu te donner sa chaleur pendant que je m'occupais de toi.

S'occuper de moi ? Je regarde le creux de mon coude où un petit pansement recouvre sa morsure et je sens une serviette éponge posée dans mon entrejambe – sages précautions ! Mes cheveux sont aussi détachés, étalés autour de moi.
-        Merci… à vous deux…dis-je en me retournant vers celui qui me sert de … couverture.
Alex rit doucement et ajoute.
-        De rien, tout le plaisir est pour moi.
Je ne me sens même pas embarrassée, mais totalement détendue, comblée est le mot.
-        Tu dois prendre quelque chose de chaud, dit Tristan. Tu as besoin de retrouver de l'énergie. Vas lui préparer un chocolat, bien corsé s'il te plait, dit-il à Alex.
-        J'y vais

Tristan me saisit et laissant Alex se lever, il me prend dans ses bras à sa place, me lovant au creux de son corps.
Alex sort de la pièce, nu comme un ver mais qui s'en soucie?
Je reste blottie au creux de mon amant, tellement bien.
-        Merci, chuchote doucement Tristan contre mon oreille.
-        Je crois que c'est plutôt moi qui devrais te dire merci, dis-je avec un petit rire.
-   Je suis heureux que tu aies aimé, mais pour moi ce fut merveilleux. Jamais, je n'ai été accueilli comme tu l'as fait… au cœur de ton être… c'était… je ne sais pas expliquer…
-        Comme si je te donnais la vie, dans mon ventre…
-     Oui, tu as senti cela également ? Me nourrir de toi ainsi, quelle sensation sublime. Une renaissance… j'en rêvais. 
-       
Tu as raison, quand tu bois mon sang, un lien se tisse entre nos deux corps comme s'ils ne faisaient plus qu'un… Quelle union magique !
-        Je suis tellement heureux que tu aies ressenti tout cela.
-        Ce n'est pas le cas avec …d'autres femmes ? je demande, un peu surprise.
-      Oh non ! elles me trouvent trop… long, disent que ça les blesse ou bien refusent que je les « morde », répond-il d'un ton un peu amer.
-        Je savais que tu serais parfait pour moi, dis-je avec un petit rire, je l'ai ressenti dès que je t'ai vu. Je sais comment je suis faite…
-        Tu es faite pour moi, tout simplement et je le dis sans forfaiture.
-        Je le crois aussi… par quel miracle nous sommes-nous trouvés ?
-        Alors que tout nous sépare ou plutôt nous séparait ?
-        N'oublie pas que tu m'as sauvé la vie ! Je t'étais déjà destinée, sans doute.
-        Béni soit ce jour, Elina.

 Alex arrive, vêtu d'un jean et d'un polo bleu, portant un plateau avec une tasse de chocolat fumant, une assiette de gâteaux.
-        Madame est servie ! dit-il
-        Merci Alex, c'est vraiment gentil.
-        Apporte mon peignoir pour Elina, s'il te plait, demande Tristan.

Alex ouvre la porte de la salle de bains et revient avec un peignoir de satin, bleu turquoise qu'il me tend et il nous laisse, discrètement.

Je passe le peignoir et m'assois sur le bord du lit, prudemment. La tête me tourne encore un peu, mais ça peut aller.
-        Reprends des forces, dit Tristan, tu en as besoin.
-        J'ai faim, j'avoue.
-        Tu m'étonnes après tout ce … sport !
Nous nous mettons à rire tous les deux. J'attaque avec plaisir les délicieux gâteaux.
-        Qui fait de la pâtisserie ? je demande, surprise
-        Dimitri – il adore ça ! C'est celui qui a des cheveux blond très pâle.
-        Oh je vois – humain n'est-ce pas ?
-        Oui.
-        Et toi, tu ne manges donc jamais ?
-        Eh non, hélas… mais là je suis repu, j'ai goûté à un divin nectar, dit-il la fossette se creusant dans sa joue.
-        Peux-tu goûter ce que je mange, je veux dire dans mon sang ?
-    Sûrement – Pourquoi tu veux manger quelque chose de spécial ? Autrefois, j'adorais le chocolat !
-        Ca tombe bien car je suis une véritable chocolat addict !
-   Vraiment ? Je peux goûter ? Il se penche sur mes lèvres et commence à les lécher doucement… hum oui, je sens le goût dans ta bouche… c'est divin !
-       
Tu vois, nous pourrons partager maintenant.
-        Quel bonheur que d'être avec toi, soupire-t-il.

Je caresse doucement son visage, pensant à tout ce qu'il a dû renoncer pour cette jeunesse presque éternelle et ceci sans le vouloir.
-   Je vais profiter de ta force, de ton corps magnifique et en échange tu auras des … compensations, dis-je d'un ton amusé.
-   J'adore les « compensations », tu sais, dit-il de sa voix sensuelle qui m'avait tellement charmée le premier jour où je l'avais rencontré.
-        Moi aussi. D'ailleurs, tu te souviens de ce que je t'avais dit ? que je t'avais donné un acompte et tu avais demandé, avec ton air si séducteur, quel serait le solde !

Il éclate de rire.
-        Ca ne t'avait pas déplu finalement, mon « air de séducteur » ?
-        Difficile de ne pas y être sensible ! Tu fais ça avec les spectatrices ?
-        Oui, mais ne t'inquiètes pas, c'est une sorte de jeu… il cherche ses mots.
-        De flirt ? pour les inciter à venir et ... payer…
Il hausse élégamment les épaules.
-        Eh oui, il faut bien faire marcher la … boutique…
-        Je sais, je sais. Et tes « collègues », ils aiment aussi flirter ou bien ils vont plus loin ?
-        Quand une femme ou bien un homme, leur plait bien, ils poussent la séduction pour aller plus loin, se retirer dans une alcôve pour faire l'amour… Ils sont comme moi, assez frustrés…
-        Oh, je comprends parfaitement, ça ne me choque pas. Ce sont de grands garçons, ils trouvent leur plaisir où ils peuvent.
-        Mais pas de morsures et boire le sang – je l'interdis – tu sais, je pourrais avoir les flics qui feraient une descente et fermeraient le club et je ne tiens pas non plus à ce qu'on fasse des recherches, sur moi, sur eux et ce que nous sommes. Je suis répertorié comme un club de strip-tease, un point c'est tout. J'ai de faux papiers pour valider mon «âge », enfin celui qui me correspond maintenant. 
-       
Ce n'est pas facile en effet. Il faut marcher sur la corde raide.
-        Toujours.
-  Et quand as-tu commencé avec ce genre de club ? Qu'as-tu fait avant ? Après ta transformation ?
-        Le club est ouvert depuis… euh… ça doit faire 10 ans ou plus, je n'arrive plus à compter. Avant ? J'avais ouvert un cercle de jeux, un peu spécial, dira-t-on. Après ma transformation, j'avais dû me cacher. J'ai été hébergé par le cercle des « sorciers » - on pourrait leur donner ce nom – dont celui qui m'a donné la vie faisait partie. Ce qui était le plus dur c'était de ne plus jamais revoir ma famille. J'avais des nouvelles par des amis, mais pour eux, j'étais mort et j'avais beaucoup de mal à l'accepter. C'est pourquoi j'ai changé mon nom de Tristan Hautecombe en Halcombe pour qu'on ne puisse pas me retrouver. Ils ont vieilli sans que je puisse les revoir… et puis…

Je l'embrasse sur le front où deux rides se sont imprimées soudain. Il me serre dans ses bras, sans rien dire. Je le berce doucement. Il se sent en confiance avec moi et ça me remplit de joie, que je puisse lui apporter quelque chose dans sa vie qui est si particulière.

-        Il faut quand même que tu voies le côté positif de ta transformation, non ? Jeune pour toujours, jamais malade, des « pouvoirs » comme la télépathie et je ne sais quoi d'autre.
-        Quelques uns oui, tu as raison…
-        Etais-tu déjà aussi sexy et séducteur avant ta transformation ? Oui, je l'imagine si je me souviens de l'image de toi dans mon rêve. Beau gosse étant jeune, hein ?
Il se mit à rire doucement.
-        Je faisais l'admiration de mes parents, de ma famille et j'étais plutôt séducteur mais à cette époque ce n'était pas aussi facile que maintenant. Il y avait des règles à respecter. On ne séduisait pas les jeunes filles sous menace de devoir les épouser !
-        Et tu n'avais pas envie de te marier si tôt, je suppose.
-        Oh non, je voulais... hum...goûter la vie avant de me passer la corde au cou !
-     Et ta famille ? ils devaient bien avoir quelque plan pour te caser avec une jolie innocente mais dont la famille avait soit des terres, soit quelque revenu, non ?
-        Tu connais bien l'histoire, dis-moi, ou alors tu as lu tous les romans de l'époque ?
-        Deuxième hypothèse, oui, j'ai beaucoup lu, dis-je en riant. Ce qui est incroyable, c'est que toi tu l'aies vécu, réellement. Ca me fascine !
Tristan fit un petit mouvement, comme une courbette.
-        Trop heureux de te « fasciner ».
-        Depuis le début, tu m'ensorcelles ! Je dépose un baiser sur le bord de sa lèvre.

Il nous faut attendre le temps d'un long baiser pour continuer notre conversation tellement passionnante.
-        Donc – je reprends car le sujet me captive – ta famille avait des plans et toi, tu voulais profiter au maximum de ta jeunesse, sans charge de femme, enfants et domaine à tenir ? Mais dis-moi, tu n'as pas mentionné les femmes soit mariées, soit veuves, jeunes et jolies ?
-        Coquine ! s'exclame-t-il. Oui, à condition d'être extrêmement prudent, on pouvait séduire les femmes mariées, beaucoup plus attirantes que les jeunes filles insipides, crois-moi !
-     Elles devaient s'ennuyer chez elles avec un vieux mari ennuyeux. Certaines étaient encore jeunes et très fraîches, n'est-ce pas ?
-        Absolument… très … hum… comestibles ! dit-il en riant.
-        Avec le piment de ce qui est défendu, en plus.
-        Tu es machiavélique ! Je ne te voyais pas comme ça, dis-moi, dit-il en me menaçant du doigt. Je te croyais bien sage, uniquement préoccupée par ta danse et qu'entends-je ? Tu parles de libertinage et de rapports extraconjugaux… pimentés !

Nous partons ensemble d'un éclat de rire.

Et les regards que nous échangeons nous font encore basculer sur le lit. L'envie de découvrir nos corps ne nous est pas passée si vite. Nos mains sont impatientes de caresses. J'essaie une petite morsure et Tristan frémit « oui, encore, j'aime ça » alors je mordille son torse, puis en le retournant son dos, ses fesses, j'aime avoir l'odeur de sa peau dans ma bouche.

Je le retourne encore et je lèche ses mamelons, les mordille comme il l'a fait avec les miens. Il réagit et je sais que c'est aussi pour lui une zone érogène. Mais j'ai envie de plus et doucement je me place au-dessus de lui et son sexe gonflé caresse mon intimité.
-        Fais de moi ton jouet, dit-il la voix basse. Sers-toi de moi, j'en ai envie.
Alors en tenant son sexe, je me caresse, doucement, c'est merveilleusement excitant, pour nous deux.
Il ferme les yeux, je le sens soupirer doucement, les lèvres entrouvertes. Il se laisse faire, c'est émouvant et ça m'émoustille en même temps.
Je me penche et introduit d'un coup son sexe en moi – Tristan sursaute et me regarde les yeux pleins de désir - ouiiii murmure-t-il.

Je trouve l'angle pour un maximum de contact entre nous et il me prend par la taille pour m'aider à aller et venir, me laissant trouver le rythme qui me convient. Cette fois le plaisir vient assez vite, quand il sent mes spasmes il donne deux poussées et jouit aussi, la tête en arrière, criant mon nom.

Nous retombons sur le lit, épuisés, repus, il nous reste la tendresse quand nous nous serrons l'un contre l'autre.

La soirée est arrivée et Tristan me dit:
-     Il faut que tu manges quelque chose. Les garçons, ceux qui se nourrissent, sont dans la cuisine, allons voir ce que Dimitri leur a préparé.
-        Je me sens gênée à l'idée de rencontrer les boys, j'avoue..
-     Mais non, tu n'as pas à te sentir le moins du monde embarrassée. Tu vas voir qu'ils vont beaucoup t'apprécier.
Oui, sans doute mais que va penser Nathan ? J'ai une petite inquiétude.

Je vais dans la salle de bains de Tristan et dans la glace je m'aperçois totalement échevelée, les lèvres gonflées par les baisers et l'allure quelqu'un qui vient  … d'avoir eu une bonne partie de jambes en l'air… j'en ris toute seule. Alors, j'utilise la brosse de Tristan pour discipliner un peu cette chevelure. Je fais une longue tresse.
-       
Aurais-tu un élastique pour que je puisse l'attacher ?
-       
Je te trouve ça tout de suite – il fouille dans un tiroir et m'en tends plusieurs – il est vrai que je l'ai vu les cheveux noués en catogan la première fois.
Il en attache un lui-même au bout de ma tresse et la repousse dans mon dos.
-       
Tu es toute jolie ainsi – tu parais encore plus jeune, dit-il en me couvant des yeux. Humm j'aime son regard.

 Je ne sais pas comment nous arrivons à nous rhabiller mais finalement, nous paraissons à peu près civilisés.

-        Viens, dit-il en me prenant la main et il me fait sortir de l'appartement pour aller un peu plus loin. Il ouvre une porte et c'est en effet la cuisine. Elle est spacieuse avec une grande table au milieu. Autour sont assis Alex, Craig, Derek et Ethan. Dimitri est devant les plaques de cuisson et prépare quelque chose qui sent délicieusement bon. Mon estomac se met à gargouiller et cela nous fait rire, détendant l'atmosphère.
-        Je crois qu'Elina meurt de faim, plaisante Tristan.
-        Venez vous asseoir ! dit un des boys.

Les garçons me montrent une chaise libre. Je vais prendre place, un peu gênée, alors je me tourne vers le « cuisinier » et demande :
-        Mais qu'avez-vous donc préparé qui sent si bon ?
-        Pâtes au saumon fumé, courgettes, tomates et sauce au basilic. Et il apporte un plat débordant de pâtes fraîches avec la garniture.
Il emplit une assiette et me la tends.
Je me tourne vers Tristan.
-        Désolée…
-        Mais non, mange je t'en prie. J'ai l'habitude, tu sais.

J'attends que les autres garçons soient tous servis et nous nous exclamons « bon appétit » avant de nous attaquer au délicieux mets.
Dimitri qui nous a rejoint me demande si j'aime son plat.
-        J'adore ça !! c'est merveilleux ! Comme j'ai rarement le temps de me cuisiner quelque chose, je me contente d'une salade. Alors j'apprécie un bon cuisinier !
-        Nous aussi, nous apprécions notre chef, s'exclame l'un des boys, je crois que c'est Craig.

J'imagine qu'ils doivent prendre des forces, non seulement car ils dansent, font sûrement de la muscu ou autre activité pour se tenir en forme, mais de plus, ils doivent nourrir les 5 « non humains » de la bande. Je m'aperçois que j'ai beaucoup plus faim que d'habitude …

Les garçons commencent à se sentir à l'aise et plaisantent.

J'ai l'habitude d'être entourée par des danseurs et là je retrouve l'atmosphère décontractée d'une « troupe » unie, chaleureuse. Je me sens bien avec eux tous. Il manque juste les autres, ceux qui ne se nourrissent pas…enfin, disons, de la même manière. Je me tourne vers Tristan qui est derrière moi. Il vient entourer mes épaules de ses bras.

-       Tu te sens bien ici, me chuchote-t-il. Ce n'est même pas une question, il a ressenti mon bien-être à travers mes pensées. J'en suis très heureux, ajoute-t-il.
-       Je crois que tu es adoptée, dit-il à haute voix.
-       Vraiment ? je regarde les « garçons ».

Un tonnerre d'applaudissement retentit et moi, je me sens toute émue d'avoir trouver une famille... étrange certes, mais chaleureuse.

Seul Ethan semble distant, il ne m'a pas jeté un seul coup d'œil, je suis désolée qu'il se sente mal à l'aise de me voir avec Tristan, j'espère que ça va lui passer.

Pour fêter mon arrivée, nous avons droit à une deuxième portion de tiramisu maison, et ça met tout le monde de très bonne humeur.  



[1]  Thomas Chippendale ( 1718 - 1779) est un ébéniste et un créateur de meubles anglais dans des styles géorgien, et néoclassique. Ici un jeu de mots entre le mobilier et la troupe des danseurs strip-teaseurs.
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23/06/2014
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