Plume et parchemin

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Les Mordus de la Danse - chapitre 6 - Le spectacle de strip-tease

Chapitre 6

Le spectacle de strip-tease

 

            J'ai du mal à dormir cette nuit-là, avec toutes ces pensées qui se mêlent en boucle et quand enfin j'arrive à tomber de sommeil, mes rêves sont étranges. Je me souviens d'un surtout, celui qu'on fait le matin juste avant le réveil.

            C'était une soirée dans une très belle salle - un château sans doute –Une jeune femme avait joué de la harpe accompagnée par une autre femme au clavecin. Toutes deux portaient ces jolies robes à taille haute à la mode à l'époque regency. Près du clavecin se tenait un jeune homme en habit à queue de pie sur un gilet de satin broché, la cravate blanche nouée sur une chemise à col montant, le pantalon blanc moulant ses cuisses et ses jambes. Ses cheveux sombres cascadaient en boucles sur les épaules, un vrai dandy et il ressemblait comme deux gouttes d'eau à Tristan… naturellement.

Il n'y a rien d'étonnant à ce rêve vu que nous venions d'assister à un concert et qu'il avait mentionné avoir entendu autrefois le clavecin et la harpe. Je suis seulement très intriguée d'avoir été témoin de cette évocation qui paraissait tellement réelle. Ceci dit, quelquefois les rêves nous semblent aussi vivants que la réalité.

             Les répétitions de nos danses se succèdent, épuisantes parfois, mais pleines de créativité également. J'aime quand nous abordons un nouveau spectacle, qu'il faut mettre sur pied de nouvelles chorégraphies, que tout se construit peu à peu ; l'unité avec son partenaire, avec les autres danseurs (si on fait abstraction de certaines tensions ou de jalousies qui sont malheureusement inévitables).

 Un soir, alors que je rentre chez moi, après une journée de répétition, un message est enregistré sur mon répondeur téléphonique. Je suis surprise car il émane de Tristan qui me demande de le rappeler. Tiens, pour une fois, il utilise les moyens classiques, pas la télépathie pour me joindre ? D'un autre côté, je n'avais reçu aucun message de ce genre et ça me rassure… je n'ai pas vraiment envie de tomber dans ce que je nomme « sa magie », dont je me méfie au plus haut point. La normalité a aussi du bon !

 Je vérifie l'heure et décide de l'appeler aussitôt. En composant le numéro qui s'affiche sur mon répondeur, j'imagine que je vais encore tomber sur «Bienvenue aux Mordus de la danse, que puis-je pour vous ?» aussi quand j'entends, après quelques sonneries, la voix chaude bien connue qui me dit « Bonsoir Elina », je reste un instant estomaquée.
-        Comment saviez-vous que c'était moi qui appelais ?
-        Facile, dit-il amusé.
Qu'a-t-il encore inventé ? Je laisse un silence s'installer.
-        Rien de bien sorcier, ajoute-t-il avec un petit rire dans la voix, j'ai juste entré votre numéro dans mon listing et votre nom s'affiche…tout simplement.
Oui, bien sûr, qu'avais-je imaginé d'étrange - je pousse un soupir de soulagement, il faut dire qu'avec lui je m'attends toujours à des trucs bizarres.
-       
Au fait, vous vouliez me parler ?
-        J'avais envie de vous inviter à une répétition de « nos » danses, quand vous aurez un moment de libre, naturellement.
-        Ah ? je suis plutôt interloquée.
-        Je pense que vous avez une idée très négative de ce que nous faisons et j'aimerais vraiment vous faire découvrir notre travail artistique.
Je me reprends à temps avant de souligner de manière ironique le mot « artistique ». En fait, je ne sais pas quoi répondre. Il ajoute donc :
-      Vous ne voulez pas avoir un aperçu de ce que peut être un très beau strip-tease ? Vous ne trouverez pas chez nous les classiques costumes de pompier, militaire, commandant de bord et autres qu'on voit habituellement dans les revues du type « Chippendale » comme vous le citiez la première fois que vous êtes venue au club.
-      Quelle est votre spécificité alors ? j'interroge, un peu sceptique.
-      Voilà, justement, il faut que vous veniez voir pour juger. Vous ne voulez vraiment pas ? demande-t-il un peu déçu. J'aurais vraiment aimé avoir votre avis, vos conseils… il laisse un silence s'installer. 
-     
Vous commencez à titiller ma curiosité, je finis par répondre, intriguée.

Il commence à m'intéresser et j'ai plus ou moins envie d'accepter, je suis curieuse de voir ce que font tous ces beaux gosses. De plus, je me demande si Tristan est seulement metteur en scène de son spectacle ou bien s'il y participe. Je ne voudrais pas non plus passer pour une bêcheuse qui ne fréquente pas ce genre d'établissements.
Son rire chaud et velouté résonne dans l'écouteur.
-     Bien, bien ! Alors, aurons-nous le plaisir de votre visite ? quand votre emploi du temps vous le permettra naturellement.
Nous faisons le point sur nos horaires respectifs et finalement je trouve un créneau libre en fin de journée au cours de la semaine à venir.

Les jours défilent à toute vitesse, j'ai très peu le temps de me poser chez moi. Si bien qu'arrive le fameux jour où je dois rendre visite aux « Mordus de la danse » et je suis à la fois impatiente et un peu anxieuse de me rendre au club, seule cette fois.

J'ai commandé un taxi pour ne pas arriver toute essoufflée en sortant du métro.

Pour la tenue, j'avais hésité toute la semaine mais finalement j'ai choisi du noir, quelque chose d'un peu gothique, qui me semble approprié, ne me demandez pas pourquoi. Le corsage a des manches transparentes terminées par des volants qui retombent presque sur mes mains, le devant est orné d'un flot de dentelles noires. Le dos est lacé au bas pour resserrer la taille. Ma jupe, courte devant, elle plonge dans le dos et consiste en une succession de volants bordés de tulle, la taille est bien marquée.

Lorsque je suis vêtue de noir, ma peau paraît encore plus claire et cela fait ressortir l'auburn de mes cheveux. Je les ai noués en un gros chignon lâche sur la nuque et deux tresses partent des tempes pour rejoindre le chignon et s'enrouler autour.

 Je donne l'adresse au chauffeur de taxi qui a un petit sursaut à l'énonciation du nom « Les Mordus de la danse », soit il connaît le club, soit il trouve le nom un peu étrange et il ne serait pas le seul, mais je n'ai pas envie de discuter de ce sujet avec lui. Pendant le parcours, je réfléchis à l'attitude que je vais adopter et ce n'est pas si facile. Au moins, je vais voir le strip-tease de ces beaux mecs !

Le taxi s'arrête devant le club et je n'ai pas vu le temps passer. Je règle la course, le laisse repartir et me dirige vers le parking, où se situe la porte de service que nous avions déjà empruntée, John et moi. J'ai des bottines lacées qui m'arrivent à mi mollets, à talons d'une hauteur très raisonnable et je porte ma redingote en velours, longue et fermée par des brandebourgs noirs : Le look gothico-victorien qui, j'espère, va plaire à sieur Tristan.

Je gravis les quelques marches qui mènent à la fameuse porte et je sonne. En attendant qu'on vienne m'ouvrir, j'ai le cœur qui bat un peu trop fort.

C'est de nouveau Alex qui m'accueille :
-     Bonsoir Elina, nous vous attendions et nous sommes vraiment enchantés que vous veniez assister à notre répétition.

Il a en effet l'air ravi. Il m'accompagne par les couloirs mais sans passer par les coulisses, directement dans la salle. Tristan bavarde avec quatre des « danseurs » qui ont revêtus de superbes costumes, de vrais dandys. Du coup, ma tenue me semble tout à fait appropriée et je suis heureuse d'avoir fait le bon choix.

Tristan m'aperçoit et s'avance vers moi, un grand sourire aux lèvres.
-     Bonsoir Elina, je suis vraiment ravi que vous soyez venue.

Il se penche sur la main que je lui tends et la baise comme il a coutume de le faire. Je déboutonne ma redingote et il tend les mains pour m'aider à m'en défaire.

-     Oh ! s'exclame-t-il en tournant autour de moi – Quelle excellente idée d'avoir choisi cet ensemble plutôt gothique, presque victorien, n'est-ce pas ? J'adore ça !
-        Contente que ça vous plaise. J'aime aussi beaucoup votre tenue, je réponds, en souriant.

Il porte une chemise blanche aux manches larges, terminées par des poignets mousquetaires fermés par de jolis boutons de manchettes. Une cravate souple, gris perle est nouée élégamment sous le col, piquée d'une épingle dont le motif est coordonné aux boutons de manchettes. Un gilet gris perle broché sur un pantalon noir, étroit, complètent sa tenue. A quelques détails près, nous sommes tout à fait en harmonie, quelle coïncidence.

 Il me mène à une table placée juste au milieu, devant la scène. Des papiers y sont déjà disposés, sans doute le programme de la répétition.

Il avance un fauteuil pour que je m'installe et s'assied à mes côtés.
-        Combien de danses, ou de tableaux comporte en général une soirée ? je m'enquiers.
-        Quatre et le final qui est plus long et dansé par un plus grand nombre de danseurs. Nous commencerons par le tableau « Renaissance ».
-        Oh ! excellente idée, j'adore les costumes de cette époque.

Lorsqu'il fait un signe, le rideau s'ouvre tandis qu'un fond musical se fait entendre. Du luth, de la viole, quelques flûtes. Le mobilier, assez succinct, consiste entre un fauteuil et une chaise, recouverts de tapisserie et une petite table posée sur un tapis.

Deux hommes entrent, portant des collants de deux couleurs, avec une braguette bien visible et des bottes souples. En haut, ils ont revêtu un pourpoint qui laisse apercevoir, par les crevés, une chemise légère. Ils sont habillés à la mode italienne, comme pouvaient l'être Roméo et ses amis.

-     Le blond aux cheveux mi-longs est Alan, le brun aux cheveux bouclés se nomme Jayson.
-     Jolis costumes, dis-je avec un petit sourire, car leurs chausses moulent les jambes bien musclées et l'idée de la braguette attachée avec des « aiguillettes », comme le voulait la mode de l'époque, ajoute un côté érotique.
-     Je crois que vous allez devoir jouer le rôle de « Juliette », me dit en souriant Tristan.
-     Pardon ?
-     Nous faisons monter deux femmes sur scène pour « jouer » avec les garçons.
-     Oh, que font-elles ? elles les déshabillent ?
-     C'est le but du jeu ! En fait, nous gardons la moitié du ticket d'entrée et nous les plaçons dans un chapeau. A chaque tableau, nous tirons au sort le numéro de deux ou plusieurs personnes qui monteront sur scène pour participer…
-     A l'effeuillage ! j'énonce en français.
-     Joliment décrit ! dit Tristan en souriant.
-     Le sort ne désigne jamais de messieurs ? je demande, étonnée.
-     Si pour ceux qui le souhaitent ; en fait, les dames reçoivent un ticket coloré et les messieurs un ticket noir,  répond-il en souriant.
-     Petits futés !! Alors, je dois jouer le rôle d'une de vos spectatrices ?
-     J'en ai bien peur, répond Tristan en me regardant d'un air amusé.
-     Et que dois-je faire sur scène ?
-     Mais … tout ce dont vous avez envie, dit-il avec un regard chargé de sous-entendus.
-    Hum hum… mais je ne peux pas m'occuper des deux hommes en même temps, en général vous avez deux femmes, non ?
-     En effet, choisissez celui qui vous plait le plus.
-     Et l'autre ? condamné à regarder ? …le pauvre…
Tristan éclate de rire à ma remarque.
-     Faites comme vous le sentez, je vous laisse carte blanche ! L'important est que nous puissions juger de la salle l'effet que donnent les costumes. C'est la première fois que les garçons les portent.
-       Parfait, alors je vais improviser.
-      J'ai hâte de voir ça, dit-il en se passant la langue sur les lèvres.

En me levant, je lui donne une petite tape sur la tête « Voyeur, va ! » et je me dirige vers les marches qui conduisent à la scène.

Pendant ce temps, les deux beaux « italiens » s'étaient, l'un assis nonchalamment sur le fauteuil, les jambes passées par-dessus l'accoudoir, l'autre appuyé à la table. Je m'approche du dernier, Jayson. Il me regarde avec ce petit sourire très masculin, totalement « tombeur » lorsqu'un mâle sait qu'il plait à une femme. Je suppose que ça doit exciter la gente féminine. J'ai accepté de venir et je dois jouer le jeu ; les scènes de séduction, je commence à y être habituée après la danse de la fée.

Donc, je me tiens tout près de Jayson et lui passe doucement les mains dans ses boucles brunes, mon visage à quelques centimètres du sien. Il plonge son regard dans le mien – ses yeux ont une belle couleur chaude, châtaigne – sa bouche effleure la mienne, sans m'embrasser, seul son souffle me caresse les lèvres et il a raison, c'est sûrement plus excitant. (Peut-être les spectatrices préfèrent-elles lui rouler un pelle, mais ça c'est leur problème). Je saisis les bords de son pourpoint et tire doucement, il s'écarte facilement (les jeux de velcro fonctionnent bien). Il retire complètement le vêtement révélant son torse dans la légère chemise blanche. Je le saisis par la main et l'entraîne vers le deuxième, Alan, le blond, toujours vautré dans son fauteuil qui se redresse à notre approche. Lui également, je le dépouille de son justaucorps. J'ai à ma portée deux beaux mecs en chemise très légère et haut-de-chausses collants, sans parler de la fameuse braguette dont je vais sûrement avoir besoin de m'occuper sous peu… ah ah quel programme intéressant …

Pour pouvoir m'occuper des deux hommes à la fois – ce que n'auraient pas à faire les spectatrices – je m'assois sur les genoux d'Alan, toujours dans son fauteuil et attire Jayson ; il s'accroupit entre mes jambes. Ce dernier commence à passer ses mains dans mon dos, montant et descendant pendant qu'Alan caresse mes jambes en remontant doucement. Lorsqu'il arrive en haut de la dentelle des bas autofixants, il a un petit hoquet car sa main tombe en contact avec la peau de mes cuisses. Il doit échanger un regard avec Jayson placé devant moi, car celui-ci me regarde d'un air interrogateur. Je me penche en arrière pour poser ma tête tout près de celle d'Alan et lui murmure « improvise ». Je crois que je viens de lui accorder une permission car il remonte les mains le long des cuisses, vers mes hanches, sous ma jupe !

J'ai un peu chaud soudain … il faut que j'occupe mes mains ! Je saisis donc la chemise de Jayson et tire doucement pour qu'elle s'ouvre, ce qui se fait très facilement. J'ai son torse au ras de mon visage, je ne peux pas m'empêcher de passer ma main sur la peau douce. Je dois remuer sur les genoux d'Alan, car il change de position, il soulève un peu ma jupe pour m'asseoir plus sur ses cuisses, me faisant sentir une fermeté qui n'existait pas il y avait quelques minutes.
-        Ouvre ta chemise, je lui chuchote à l'oreille.

Ce qu'il fait immédiatement en tirant sur les deux pans – ainsi quand je me penche en arrière la dentelle de mon corsage et mes cheveux caressent son torse et il frémit. Il m'entoure de ses bras, pour me serrer plus fort contre lui. Je viens juste de comprendre qu'il y a une petite lutte de possession de ma personne entre les deux hommes et cela m'amuse.

Je passe donc mes mains derrière la taille de Jayson pour l'attirer plus près de moi et il se relève, mettant la fameuse braguette bien en vue devant moi. Je me doute qu'il faut que je m'occupe à défaire cet « objet ». Il y a quatre petits lacets, je commence à dénouer les deux du haut – Jayson m'observe attentif et je sens les mains d'Alan se crisper un peu plus sur ma taille – je dénoue les deux derniers et le morceau de tissu tombe révélant un string de satin qui moule le sexe du garçon.

-        A toi, dis-je à Alan ; je me lève et me tourne vers lui. Jayson vient se coller dans mon dos, m'entourant de ses bras pendant que je me penche vers l'autre garçon pour dénouer la deuxième braguette. Il se laisse faire, m'observant avec un air gourmand puis quand j'ai fait tomber le tissu, il se relève
Je suis entre les deux hommes qui m'enlacent.
-        Si tu veux qu'on enlève tout, tu peux le demander, me chuchote Alan dans l'oreille.
-        Oh, vous allez jusque là ? 
-       
Nous sommes au service de ces dames, me dit-il dans un souffle.
-        Merci à tous les deux, mais je vais arrêter ici. C'était déjà très agréable.
-        Tout le plaisir à été pour nous, merci à toi, répond Alan.

Ils me prennent par la main et ils m'accompagnent jusqu'aux marches pour m'aider à redescendre dans la salle.

Tristan et Alex applaudissent pendant que je rejoins la table.
-        Bravo Elina, quelle partenaire merveilleuse ! les garçons vont vous regretter ! ni les femmes, ni les hommes, ne sont aussi attentifs et … inventifs ! Tout en douceur et en sensualité. En général, ce sont les danseurs qui prennent l'initiative avec leur partenaire, mais vous avez parfaitement contrôlé la situation, avec les deux.
-        J'ai dû improviser. Ouhhh j'ai un peu chaud, là ! avouai-je. Et je saisis le verre de jus de fruits que m'a apporté Alex.
Tristan émet ce rire de gorge très sensuel que j'aime beaucoup.
-        En quoi, consistent les autres tableaux ? je demande, soudain inquiète à l'idée que je vais devoir déshabiller tous les danseurs.
-        Le prochain tableau est en tenue 18e, avec un menuet, ensuite nous aurons les dandys Regency ... mais je dois surtout vous montrer le final. Je suis sûre que vous allez apprécier. 

 Nous écoutons les musiques des tableaux suivants et il fait venir les danseurs en costumes et m'explique pour chacun les parties qui se retirent facilement. Je trouve ça très élégamment étudié, pour que ça ne soit pas vulgaire mais très érotique néanmoins.

-        Et le final ? je demande, curieuse de savoir de quoi il s'agit.
-        Nous le passons après un intermède de chants, pendant qu'on change les décors.
-        Qui chante ?
-        Euh, moi, répond Tristan.
-        Oh, mais je veux vous entendre ! Que chantez-vous donc ?
-        Des chansons dont les paroles ne sont pas très … chastes, si jeux m'exprimer ainsi.
-        J'imagine bien, en effet, dis-je avec un petit rire. Et que portez-vous comme costume ? culotte de satin et bas blancs ? libertin du 18e siècle ?
-        Non, même pas, dit-il d'un ton amusé, un habit 19e. Un pantalon blanc glissé dans des bottes noires, un habit à queue de pie bleu marine sur un gilet et une cravate blanche nouée, mes cheveux retenus en catogan.
-        Oh, très dandy Regency… comme dans mon rêve !
-        Votre rêve ? Pardon, mais quel rêve ? demande-t-il perplexe.
-       En fait, après le concert où nous sommes allés ensemble, j'ai rêvé d'un autre concert de harpe et clavecin mais qui se tenait au début du 19e siècle et « vous » étiez appuyé sur cet instrument, dans une tenue semblable à celle que vous venez de décrire.
Tristan sursaute, il pâlit.
-        Et comment était la salle et… les musiciens ? interroge-t-il d'une voix hésitante.
-     Une belle salle blanche, avec de larges fenêtres qui donnaient sur un jardin. Deux musiciennes en robes blanches. Une jeune femme blonde à la harpe, une autre plus âgée au clavecin.

-        Elina !! s'exclame Tristan, visiblement très troublé.
-        Que se passe-t-il ? je demande, étonnée.
Il laisse passer un instant de silence et se reprend, passant la main devant son visage.
-      Rien de grave, c'est seulement que ça correspond à … un des mes propres rêves, dit-il un peu embarrassé.
-        Quelle coïncidence, hasardai-je.
-        Oui, c'est assez incroyable -  Sa voix est plus que rêveuse – Ah on me fait signe que le décor du final est prêt.

Le rideau se lève et cette fois, on a l'impression d'entrer dans un palais oriental. De gros coussins brochés sont posés sur des tapis et deux lampes en cuivre sont disposées de chaque côté de la scène.
-        L'orient ? Ne me dîtes pas que vous avez choisi le thème de Shéhérazade ? je demande, en me tournant vers Tristan.
-        Si c'est cela. Pourquoi ? Vous n'aimez pas ?
-        Oh, si, j'adore justement et je l'ai dansé… quand j'étais jeune…
-        Ah ah Elina, quand vous étiez jeune ? ça ne doit pas être très ancien ! Il se met à rire.
-     Non, pas très longtemps, mais je n'avais que 18 ans et j'étais encore en cours de danse classique. Nous l'avons dansé pour notre gala de fin d'année…
-        Et vous étiez Shéhérazade, n'est-ce pas ? Ses yeux me fixent, intéressés.
-        Oui en effet. Mon partenaire était beaucoup plus âgé, un homme superbement musclé qui me portait sans efforts. Ce fut une expérience merveilleusement enrichissante. J'en avais un souvenir très vif, car j'avais dansé ce premier rôle très sensuel avec ce danseur, magnifique et il m'avait initiée à… d'autres plaisirs également. Et ça, je n'ai pas envie que Tristan le lise dans mon regard, alors je fixe la scène en écoutant le début de la musique qui m'ensorcelle à chaque fois. 


-        Vous sentez-vous capable de revivre un peu cette expérience avec mes boys ? interroge Tristan.
-       
 Tout dépend de ce que vous voulez voir comme spectacle et combien vous avez de danseurs ?
-        Ils sont cinq : Marwin, Stefan, Derek, Colin et Ethan qui jouera le rôle principal, celui qui était tenu par le « danseur superbement musclé » que vous avez cité – il me fait un clin d'œoeil --  mais vous verrez que Ethan a un corps parfait lui aussi. Il est d?origine sud-américaine, métissé indien. Voulez-vous essayer de danser avec lui  en puisant dans vos souvenirs ? Il vous suivra, c'est un bon danseur. 
-       
Je veux bien essayer… j'avoue que cela me tente. Mais pas avec ça, dis-je en désignant mon corsage.

Je commence à le déboutonner sous le regard très intéressé de Tristan. Je ne risque rien, je porte dessous un bustier en satin noir. Je suis plutôt menue de poitrine, mais le bustier remonte mes seins et les fait pigeonner ; pour une fois je suis satisfaite du choix de ma tenue. Je dépose le corsage sur le dossier de ma chaise et attend l'arrivée des danseurs.

Ils arrivent de chaque côté de la scène, torse nu, vêtus simplement d'un pantalon, large, bouffant et d'une grosse ceinture en métal. Ils bougent souplement sur le rythme de la musique.

Et entre Ethan d'un pas glissant, totalement félin. Il est en effet magnifique : grand, musclé, la peau cuivrée, de très longs cheveux noirs. Ses yeux sont sombres sous des sourcils bien arqués, une bouche très pulpeuse… il est appétissant en diable ! Il se poste sur le bord de la scène et me tend la main comme une invite. Je monte les marches et le rejoins. Nos regards se croisent et c'est comme si nous nous étions déjà connus auparavant, comme si nous avions déjà dansé ce rôle autrefois. Il m'attire près de lui, je caresse sa peau, si douce, à l'odeur doucement épicée, un parfum de cannelle et de girofle. Nous sommes à l'unisson sans nous concerter, il me porte aisément et je le laisse faire, je retrouve les gestes de la danse sensuelle entre la princesse Shéhérazade et le bel esclave – l'union interdite – Seule ma tenue m'empêche d'être parfaitement à l'aise mais quand je lève une jambe pour l'enrouler autour de sa taille, je me moque complètement de savoir si on voit le haut de mes bas ou même plus haut. Après tout, Tristan m'a déjà aperçue en justaucorps.

Dans un mouvement de la danse, Ethan tire sur le pantalon bouffant qui s'écarte, le laissant apparaître vêtu seulement d'un string qui se confond avec la couleur de sa peau, il semble être totalement nu, son corps splendide, musclé, révélé totalement.

Alors, il s'assoit et se renverse sur l'un des gros coussins ; Il me tend les mains, je m'appuie et je descends, très doucement, les jambes presque en grand écart pendant qu'il me tient à bout de bras au dessus de lui et je me laisse glisser jusqu'à ce que nos deux entre-jambes soient en contact. Ses yeux papillotent un instant ; il m'attire pour que mon visage se trouve près du sien, nos lèvres s'effleurent, c'est chaste et éminemment sensuel à la fois.

Les autres boys, qui ont aussi arraché leurs sarouals, nous entourent. Ils commencent à onduler autour de nous d'un mouvement lascif. Ethan, les yeux presque clos, ondule aussi sous moi, d'un mouvement très érotique. Tout en lui, respire la sensualité, cela semble faire partie de sa personne, comme un parfum capiteux qui laisse échapper des effluves.

Ethan, se redresse doucement, il se lève sans effort me portant dans ses bras, lovée contre lui, comme s'il emportait sa conquête, je pose ma tête sur son épaule, sur le voile de ses longs cheveux soyeux. Il chuchote à mon oreille « Si tu n'étais pas à Tristan, tu serais mienne » et il me pose à terre avant que j'ai eu le temps de répondre quoi que ce soit. Je suis interloquée par ses paroles. Je ne suis pas à Tristan !  

Il me tend la main, les autres boys aussi et nous saluons sous les applaudissements, car les autres danseurs ont rejoint Tristan dans la salle.

Je descends tenant toujours la main d'Ethan qui me raccompagne à ma table. Il s'incline devant Tristan. Je ne sais plus quoi penser, cela semble un échange au-delà d'une simple relation « patron-employé ». Je me retourne pour prendre mon corsage que je commence à enfiler doucement pour me donner une contenance car Tristan me regarde d'un air étrange que je n'arrive pas à analyser. Il m'a encouragée à aller danser et maintenant il semble plus que perplexe. Je finis par prendre les devants.
-        C'est ce que vous souhaitiez ?
-        Oh cent fois mieux que ce que j'avais imaginé... j'avoue que je suis encore sous le charme… voire…il s'interrompt en fronçant les sourcils.
-        Oui ? l'incitai-je à poursuivre.
-        Ethan et vous, c'est l'accord parfait. Son ton se veut neutre mais je sens une tension sous ses paroles.
-        Il y a des moments privilégiés dans la danse… on ne sait jamais quand ça arrive, avançai-je prudemment.
Il se contente de m'observer, sans répondre et je me dis « Serait-il jaloux ? »
-        Oui, je le suis, un peu… chuchote Tristan.
-        Pardon ? Oh, vous lisez dans mes pensées !
Il a un très léger sourire.
-       Je fais beaucoup de choses.

Une autre de ses phrases sibyllines  - Tristan est un condensé de mystères. Pour alléger l'atmosphère qui commence à devenir un peu trop intime, je dis au hasard :
-       Bravo pour votre spectacle, un excellent choix de costumes, de musiques, de thèmes. J'aime beaucoup.
-       Je suis heureux que ça vous ait plu, dit-il sur un ton plus détaché. Encore que ce soir, c'est vous qui avez fait le spectacle devant mes yeux émerveillés.
-       Il ne fallait pas m'inviter, dis-je d'un ton désinvolte.
-       Oh, Elina, ce n'est en aucun cas un reproche, j'ai adoré vous voir vous libérer avec mes boys, c'était un vrai plaisir pour moi aussi.
-       Quand votre nouveau programme commencera-t-il ? je demande d'un ton neutre.
-       Dans une semaine. Vous avez vu que tout est réglé maintenant.
-       J'espère que ce sera un grand succès pour vous et pour vos danseurs. En fait, je suis sûre que ça plaira énormément.
Tristan émet un petit rire ironique.
-       Ce ne sera jamais comme aujourd'hui. C'est ce que je souhaiterais vivement mais je ne peux pas me bercer d'illusions. Aucune femme ne sera jamais comme vous avec mes boys. Son ton est un peu amer.
-       Oh, c'est un très grand compliment. Mais j'ai l'avantage de la danse, tout simplement.
-       Pas que ça, Elina, pas que ça…

Je n'ose pas interroger ce qu'il entend par là, je préfère rester sur un terrain plus neutre. D'ailleurs je le trouve plutôt perturbé, ici, dans son club. Il est loin d'être le séducteur, sûr de lui que j'ai eu l'occasion de rencontrer, mais ça ne me dérange pas, bien au contraire. Je note seulement que quelque chose semble le préoccuper, je mets cela sur le compte des responsabilités pour organiser son spectacle. 

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La suite des "Mordus de la danse"
http://plumeetparchemin.blog4ever.com/articles/sensualite-et-erotisme

 

 



22/06/2014
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