Sully Prudhomme – la valse
Dans un flot de gaze et de soie,
Couples pâles, silencieux,
Ils tournent, et le parquet ploie,
Et vers le lustre qui flamboie
S'égarent demi-clos leurs yeux.
Je pense aux vieux rochers que j'ai vus en Bretagne,
Où la houle s'engouffre et tourne, jour et nuit,
Du même tournoiement que toujours accompagne
Le même bruit.
La valse molle cache en elle
Un languissant aveu d'amour.
L'âme y glisse en levant son aile :
C'est comme une fuite éternelle,
C'est comme un éternel retour.
Le jeune homme sent sa jeunesse,
Et la vierge dit : « Si j'aimais ? »
Et leurs lèvres se font sans cesse
La douce et fuyante promesse
D'un baiser qui ne vient jamais.
L'orchestre est las, les valses meurent,
Les flambeaux pâles ont décru,
Les miroirs se troublent et pleurent.
Les ténèbres seules demeurent,
Tous les couples ont disparu.
Je pense aux vieux rochers que j'ai vus en Bretagne,
Où la houle s'engouffre et tourne, jour et nuit,
Du même tournoiement que toujours accompagne
Le même bruit.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 8 autres membres